L’arrêt qui vient d’être rendu le 4 octobre dernier par la Grande chambre de la CJUE (cas :C548/2 – en accès à la fin de l’article, aborde des questions cruciales concernant l’accès au stockage des données.
Dans ces motifs, l’arrêt stipule que, si effectivement, même dans le cadre d’une procédure pénale, l’accès aux données personnelles stockées sur un téléphone portable peut constituer une ingérence grave aux droits fondamentaux de la personne concernée, il souligne que cela ne peut pas être considéré comme une limite à la lutte contre la criminalité. La CJUE a estimé en effet que la lutte contre les infractions pénales en général justifiait l’accès aux données contenues dans un portable, afin d’éviter un accroissement du risque d’impunité et d’assurer un espace de liberté, de sécurité et de justice aux citoyens de l’Union européenne. L’un des paramètres que les juges nationaux devront prendre en considération, est l’évaluation de la gravité de l’infraction afin qu’elle reste proportionnée à la qualification « d’ingérence grave ».
Pour assurer le respect du principe de proportionnalité au vu des éléments pertinents de chaque dossier, l’accès devra être subordonné à une autorisation préalable par une juridiction ou une autorité indépendante nationale, sauf en cas d’urgence. Le législateur devra également informer la personne concernée de l’autorisation d’accès à ses données par les services de police, à condition bien évidemment que cela ne compromette pas le déroulé de l’enquête.
S’agissant d’encadrer une telle ingérence dans la vie privée et de préserver la protection des données personnelles, les instances judiciaires nationales devront définir de manière précise les éléments à prendre en compte, et notamment la nature ou les catégories d’infractions concernées.
Il faut reconnaître l’importance de cet arrêt et le replacer dans la ligne des décisions précédentes pour mesurer combien la voie jurisprudentielle, en parallèle à la voie législative, est déterminante pour assurer la protection des droits fondamentaux dans le champ numérique. Par ailleurs, il faut souligner qu’il peut amener vers la nécessité d’un changement du droit français.
Colette Bouckaert
Secrétaire Générale iDFrights