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LA COUR DE JUSTICE EUROPEENNE INVALIDE L’ARTICLE 1ER POINT 15 DE LA DIRECTIVE 2018/843 DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL DU 30 MAI 2018 RELATIVE A LA PREVENTION DE L’UTILISATION DU SYSTEME FINANCIER AUX FINS DU BLANCHISSEMENT DE CAPITAUX OU DU FINANCEMENT DU TERRORISME.
Objet de la Directive :
Cette Directive du 30 mai 2018, entrée en vigueur dans tous les Etats membres en décembre 2020 modifiait celle de 2015/849 qui constituait l’instrument juridique européen en matière de prévention de l’utilisation du système financier de l’Union aux fins de blanchissement de capitaux et du financement du terrorisme. Cette Directive de 2015 se voulait un instrument de lutte contre la collecte de biens ou d’argent en imposant aux Etats membres d’identifier, de comprendre et d’atténuer les risques des nouveaux comportements en matière de flux financiers et garantir une plus grande transparence des transactions financières des sociétés et autres entités juridiques notamment. La nouvelle Directive de 2018 devait aboutir à des actions menant à l’amélioration de la transparence comme un moyen supplémentaire de dissuasion. Il était cependant bien précisé que cela devait se faire en tenant compte du droit fondamental à la protection des données à caractère personnel.
Le contexte :
Ce texte avait pour objectif de combattre l’évasion fiscale issue de la corruption ou du détournement d’argent public, notamment via la création de sociétés-écrans favorisant la dissimulation d’argent sale. Il avait fait l’objet de très longs et houleux débats au Parlement européen alors que de grands scandales concernant l’organisation de l’exode fiscal par des entreprises et des particuliers venaient d’éclater. La nouvelle législation rendait possible la consultation publique d’un registre reprenant un certain nombre d’informations concernant les propriétaires d’entreprises, les particuliers et les actionnaires « actifs » des grandes sociétés, permettant ainsi de connaître les bénéficiaires réels des sociétés européennes. Ces informations, excluaient celles couvertes par le « Secret des affaires », mais incluaient le nom du propriétaire de la firme, ses coordonnées de naissance, son pays de résidence et sa nationalité.
C’est cette disposition que la Cour de Justice Européenne (CJUE) a annulée le 22 novembre dernier, estimant que l’accès de chacun à ce registre constitue « une ingérence grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel ». Elle précise que les informations divulguées par les registres des bénéficiaires, permettaient selon elle, à un « nombre potentiellement illimité de personnes de s’informer sur la situation financière des propriétaires d’entreprises.
Commentaire de l’Institut :
L’Institut estime que la décision prise par la CJUE est bonne car elle assure un équilibre entre la protection de la vie privée et des libertés individuelles, d’une part et les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale et la grande criminalité d’autre part.
Une atteinte à un droit fondamental, même si elle doit être envisagée pour des raisons majeures comme la lutte contre le terrorisme financier, doit rester justifiée et proportionnée.
Il est important de souligner que la Directive anti-blanchissement de 2015 qui a fait l’objet d’une révision aboutissant à la Directive de 2018 incriminée, avait limité l’accès aux informations permettant de contrôler les propriétaires et l’actionnariat d’une société aux personnes justifiant un « intérêt légitime ». Cette définition était apparue difficile à harmoniser sur l’ensemble de l’UE, d’où la tentative de la reformuler dans le nouveau cadre. Il faudra sans doute revenir à la notion initiale en considérant qu’entre l’atteinte à la vie privée et l’absence de contrôle il existe peut-être une voie médiane précisant que l’accès aux informations doit être limité au strict nécessaire.
Jean-Marie Cavada
Président iDFrights
Colette Bouckaert
Secrétaire Générale iDFrights