Ursula von der Leyen n’a commencé que tardivement sa carrière politique.
En 2003, elle était ministre régionale des Affaires sociales, des droits des femmes, de la famille et de la santé en Basse-Saxe. Elle devient 2005 ministre de la famille dans le gouvernement dirigé par la chancelière Angela Merkel, puis Ministre du travail et des affaires sociales en 2009, et enfin ministre de la défense en 2013, toujours au sein du gouvernement d’Angela Merkel.
En 2019, de manière tout à fait inattendue, elle s’impose à la tête de l’exécutif européen.
Durant ce premier mandat, elle a dû apprendre à naviguer dans un paysage politique complexe et faire face à des défis politiques majeurs. Sa gestion de la crise sanitaire a été critiquée pour la lenteur des vaccinations en Europe, mais saluée pour avoir su coordonner la commande de vaccins pour les Etats membres.
Sa feuille de route pour la mise en avant du « Green Deal européen » et sa volonté atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, sont considérées comme ambitieuses. Bien accueillies par les écologistes, ses positions ont été critiquées par certains secteurs industriels notamment allemands, ce qui a conduit les Etats membres à exprimer leurs préoccupations sur les impacts économiques de cette mesure.
Au niveau des relations internationales, la guerre en Ukraine suite à l’invasion de son territoire par la Russie, qui a nécessité une réponse forte de l’UE , a été plutôt bien gérée par Ursula von der Leyen. Elle a notamment été proactive dans l’imposition de sanctions contre la Russie En revanche, ses relations avec la Chine ont été plus délicates oscillant entre coopération économique et préoccupations en matière des droits de l’homme.
On peut lui reprocher d’avoir souvent cédé face aux lobbyings des plateformes américaines qui ont usé de leur influence, notamment pour faire avancer les discussions concernant la décision d’adéquation encadrant le transfert de données entre les Etats-Unis et les vingt-sept, qu’elle a négocié au nom de la transformation du numérique.
La position qu’elle a prise a pour conséquence de permettre le transfert des données personnelles depuis l’Union européenne vers des organismes situés aux Etats-Unis sans exigences supplémentaires, constituant ainsi un contournement du RGPD au bénéfice des entreprises américaines. C’est extrêmement grave. Sans tirer de conclusions sur sa stratégie, il semble évident qu’à un moment où il fallait trouver des alternatives au gaz russe, les dépendances énergétiques de l’Europe l’ont conduite à sacrifier la souveraineté numérique européenne.
Alors que la Commission européenne va prendre ses fonctions le 1er décembre 2024, Ursula von der Leyen est perçue comme une figure puissante grâce à plusieurs facteurs :
1° elle bénéficie du soutien d’une majorité, même si elle est courte, au sein du Parlement européen, ce qui lui confère une légitimité pour poursuivre ses initiatives.
2° elle espère consolider sa réputation de leader capable de prendre des décisions difficiles après sa gestion de la crise énergétique.
Cependant, elle va devoir relever des défis tels que la gestion des flux migratoires et la nécessité de renforcer la résilience économique de l’UE face aux crises qui s’annoncent.
Ursula von der Leyen doit donc sa réputation au fait d’avoir su traverser des eaux tumultueuses durant son premier mandat, capitalisant sur ces succès tout en restant attentive aux critiques. Son second mandat s’annonce tout aussi complexe, avec des attentes élevées dans un contexte géopolitique en constante évolution. Deux questions sont susceptibles d’affaiblir l’autorité de la Commission (c’est-à-dire le collège) : d’ abord la centralisation des pouvoirs entre les mains de la Présidente risque d’affaiblir l’autorité et la légitimité des décisions à prendre. Ensuite comme l’a prouvé sa tentation de viser le Secrétariat général de l’OTAN, l’allemande Von der Leyen pourrait se montrer compréhensive à l’égard des ambitions commerciales en Europe.
La Présidente de la Commission européenne va devoir réagir à la poussée des forces politiques hostiles à l’Europe et affronter les turbulences mondiales qui s’annoncent. Il est donc nécessaire qu’elle s’engage dans plusieurs combats essentiels afin d’amener l’Union vers des réformes structurelles ambitieuses.
Jean-Marie Cavada
Président iDFrights