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Le 11 octobre 2022, Sir Jeremy Ian Flemming (actuel directeur du quartier général des communications britanniques) a déclaré que la supériorité technologique des autorités chinoises – yuan numérique, missiles antisatellites, systèmes de surveillance numérique – traduisait aussi la peur qu’elles ont de leurs propres citoyens. Les démocraties occidentales vont sans doute intensifier leurs critiques légitimes des actions du gouvernement chinois sanspour autant dresser le bilan critique de leurs propres trajectoires technologiques.
Les créateurs de l’informatique – Charles Babbage, Ada Lovelace, Alan Turing et John von Neumann – ont voulu un ordinateur capable de prévenir les aléas du futur en gouvernantrationnellement les hommes, en prévenant les risques militaires et en gérant efficacement l’économie. Malheureusement, ils ont aussi posé les fondations d’une technologieintrinsèquement liberticide utilisée aujourd’hui largement pour influencer les populations(nudges algorithmiques), se transformer en arme (cyberguerre) et construire un capitalisme de surveillance (plateformes numériques). Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que des régimes autoritaires exploitent l’informatique pour surveiller leur population (crédit social), dominer militairement les autres nations (intelligences artificielles militaires) et se renforcer économiquement (fin de l’interopérabilité numérique).
Les récentes déclarations de Sir Jeremy Ian Flemming doivent ainsi nous amener à nousinterroger sur les dangers technologiques qui pèsent maintenant sur les démocraties libérales. Beaucoup de nos gouvernements utilisent déjà des outils numériques qui favorisent l’émergence d’une « gouvernementalité algorithmique » fondée sur l’enregistrementpermanent de nos comportements, l’amélioration en continu des savoirs statistiques et le renforcement du guidage numérique de nos vies. La plupart des plateformes informatiques qui sont déployées dans les sphères les plus importantes de notre société – éducation, travail,santé, sécurité – convertissent les justiciables en des données qui sont ensuite analysées, utilisées et consommées. Si nous ne réagissons pas rapidement, tous les moments de nos viesfiniront par être encapsulés dans des algorithmes qui nous obligeront à suivre des process construits à partir d’amas de données chiffrées totalement impersonnels.
Les démocraties libérales doivent immédiatement penser ces enjeux qui concernent nos vies en bâtissant une informatique des communs ouverte, décentralisée et non-binaire. En nous opposant aussi à la conversion systématique de nos comportements humains en données numériques, nous protégerons notre système politique libéral qui consacre les droits humains, la richesse de la diversité et le pouvoir de la raison.
Marin De Nebehay
Membre du comité-experts « affaires européennes » de l’iDRFRights,
Étudiant INSP, promotion Ludwig van Beethoven