Les news qui ont fait l’actu
Dans le cadre du partenariat entre l’IDFRights et SKEMA Business School, voici un aperçu de notre actualité vue par des étudiants du Master de management & droit des affaires de Skema.
Semaine du 29 novembre au 3 décembre 2021
Rédigée par Lyes Bendou, Alexandre Cusanno, Mathilde de Biasi, Léa Dupont, Vincent Kerharou, Louis Poulain, Emmy Paret, Manon Roy, Oriane Serrot , Alexis Spagnolo, Emma Walter, Mélanie Welisarage, étudiants de Master 1 Management & Droit des affaires SKEMA/ULCO, sous la direction de Mme Isabelle Bufflier et M. Frédéric Munier, professeurs SKEMA BS
Lyes Bendou
Alexandre Cusanno
Mathilde De Biasi
Léa Dupont
Vincent Kerharou
Louis Poulain
Emmy Paret
Manon Roy
Oriane Serrot
Alexis Spagnolo
Emma Walter
Mélanie Welisarage
Reconnaissance faciale : Clearview AI s'expose à une amende de 20 millions d'euros
L’Information Commissioner’s Office (ICO), l’équivalent britannique de la CNIL en France, a émis un avis provisoire sur la conformité de l’utilisation de la reconnaissance faciale par la société américaine Clearview AI. Selon cette autorité, les données disponibles sur internet que Clearview AI extrait pour nourrir son moteur de recherche reposant sur la reconnaissance faciale n’est pas conforme à la loi britannique. En effet, l’entreprise n’a pas recueilli le consentement préalable de ses utilisateurs. Clearview AI affirme au contraire qu’elle n’est pas obligée d’obtenir ce consentement car les données récoltées seraient déjà publiques. Elle s’expose tout de même, d’ici 2022, à une amende de 20 millions d’euros.
Pourquoi cette actu : La reconnaissance faciale est une technique qui fait de plus en plus débat. Alors que la France est un des pays les plus avancés technologiquement dans ce domaine et que déjà 11 pays de l’UE l’utilisent, se pose la question de son encadrement ou son interdiction. Si les polices suédoise et canadienne utilisent cette technologie pour retrouver les auteurs d’infractions, les autorités de protection des données estiment qu’il y a atteinte aux données personnelles puisque l’utilisation des données même accessibles permet indirectement en les recoupant d’identifier physiquement les personnes. La société Clearview a fait l’objet de poursuites de la part de plusieurs ONG ont déposé plusieurs recours contre la start-up auprès des autorités de protection des données en France, en Autriche, en Italie, en Grèce et au Royaume-Uni. En France, c’est la start-up Jumbo Privacy, spécialisée dans la protection des données personnelles, qui a déposé une réclamation auprès de la CNIL affirmant que Clearview AI violait de nombreuses dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette procédure, lancée en juillet 2020, est toujours en cours. Ainsi, en Europe, les réactions contre ces atteintes marquées aux données personnelles restent vives. Néanmoins, comme on le voit, le passage à une société de surveillance est désormais techniquement possible. Aussi, l’utilisation de la reconnaissance faciale constitue-t-elle un sujet cardinal en termes de libertés fondamentales, nécessitant une particulière vigilance des citoyens, afin que cette technologie ne devienne pas, comme en Chine, un instrument de leur asservissement, au service de l’État ou d’un capitalisme de surveillance.
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Alibaba, sponsor du CIO pour les Jeux Olympiques 2024 ne fait pas l’unanimité
Le sponsoring des JO de Paris par l’entreprise chinoise Alibaba suscite des inquiétudes. L’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) est réservée, estimant que des données personnelles récoltées en France seraient susceptibles de tomber entre les mains du gouvernement chinois.
Pourquoi cette actu : Comme les données personnelles qu’héberge Alibaba vont certainement être transférées en direction de la Chine, cela soulève légitimement de grandes inquiétudes à l’égard notamment de l’application de l’extraterritorialité du RGPD. Le Cojo (Comité d’organisation des Jeux olympiques) assure que le RGPD qui s’applique dans l’espace européen veillera à la stricte protection des données, mais qu’en est-il pour la Chine ? Depuis le 4 juin dernier, la CNIL a adopté des clauses contrats-types pour protéger et encadrer les transferts de données dans des pays hors de l’Union européenne. Peut-être seront-elles la solution employée, pour l’heure aucun accord n’a encore été signé. Dans tous les cas, nous observons que les tensions géopolitiques se déportent aujourd’hui massivement des champs de bataille vers le terrain du numérique. Il s’agit du signe supplémentaire qu’une nouvelle guerre froide se met en place : les datas y remplacent les munitions.
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Focus de la semaine
L’action en justice d’une Union fédérale des associations de consommateurs allemande contre Facebook devant la CJUE
L’Union fédérale des centrales et associations de consommateurs reproche à Facebook Ireland d’avoir violé différents textes, dans le cadre de la mise à disposition, dans le « App-Zentrum » (Espace Applications) de la plate-forme, de jeux gratuits fournis par des tiers. L’Union invoque ainsi une violation des règles non seulement en matière de protection des données à caractère personnel mais aussi de lutte contre la concurrence déloyale et de protection des consommateurs. Dans ce contexte, l’Union fédérale a introduit une action en cessation de ces pratiques contre Facebook Ireland Limited devant les juridictions allemandes.
La Cour fédérale de justice allemande saisie a déclaré que Facebook Ireland n’a pas fourni aux utilisateurs les informations nécessaires relatives à la finalité du traitement des données et au destinataire des données à caractère personnel. Ainsi, selon elle, Facebook Ireland a violé le RGPD et la loi allemande relative aux données personnelles. La Cour a cependant des doutes quant à la recevabilité de l’action introduite par l’Union fédérale. En effet, elle se demande si l’Union dispose encore, depuis l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données, du pouvoir d’agir, en introduisant une action devant les juridictions civiles, à l’encontre de violations de ce règlement, et ce, indépendamment de la violation concrète de droits de personnes concernées individuelles et sans mandat de ces dernières.
La Cour fédérale a donc saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours en interprétation du règlement général sur la protection des données.
L’article 80 du RGPD prévoit en effet que la victime subissant un dommage ayant pour cause la violation des dispositions du Règlement peut mandater un organisme, une organisation ou une association afin qu’il la représente dans l’exercice de ses droits devant les tribunaux ou l’autorité de contrôle. Les États membres peuvent également prévoir que tout organisme, organisation ou association ainsi visée, indépendamment de tout mandat confié par une personne concernée, a, dans l’État membre en question, le droit d’introduire une réclamation auprès de l’autorité de contrôle qui est compétente en vertu de l’article 77, et d’exercer les droits visés aux articles 78 et 79 s’il considère que les droits d’une personne concernée prévus dans le présent règlement ont été violés du fait du traitement.
L’article 80 fait partie des articles qui ont pu être « adaptés » par les lois des États membres en fonction des règles applicables à leur système juridique.
Par exemple, en France, à la suite de l’adoption du RGPD, l’article 37 de la loi Informatique et libertés modifiée prévoit la possibilité pour des associations d’exercer une action de groupe en matière de protection des données personnelles pouvant conduire d’une part à demander la cessation du manquement, et / ou d’autre part « d’engager la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir réparation des préjudices matériels ou moraux subis ».
En revanche, en Allemagne, le législateur n’a pas utilisé aussi largement la faculté ouverte par l’article 80 alinéa 2 du RGPD.
L’avocat général près de la CJUE a rendu ses conclusions le 2 décembre dernier et y déclare que le RGPD « ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui permet aux associations de défense des intérêts des consommateurs d’agir en justice contre l’auteur présumé d’une atteinte à la protection des données à caractère personnel » et ce, même si l’association, sans mandat, invoque l’interdiction des pratiques commerciales déloyales, la violation du droit de la consommation, ou l’interdiction de l’utilisation de conditions générales nulles. Il suffit en effet que l’action « vise à faire respecter des droits que les personnes qui font l’objet du traitement contesté tirent directement de ce règlement ». La CJUE, qui n’est pas liée par le sens de cette opinion, se prononcera dans quelques mois.
Pourquoi ce focus ? A l’heure où les données personnelles constituent, avec le Big Data, l’or noir des entreprises, permettre à des associations de consommateurs d’agir en justice pour protéger les données personnelles sur le fondement du RGPD est un atout supplémentaire, à côté de la surveillance des autorités de contrôle, surtout dans des pays où le RGPD a été transposé de manière incomplète comme en Allemagne. Les associations et ONG constituent des alliés de poids dans la lutte pour le respect des libertés et des droits fondamentaux, comme elles ont pu le démontrer au plan mondial en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Le point de vue étudiant
Le Data Governance Act en marche
Le 30 novembre 2021, le Parlement européen ainsi que le Conseil de l’Union Européenne sont arrivés à un consensus sur le futur règlement communautaire ou Data Governance Act (DGA), un texte visant à promouvoir le partage et la réutilisation de données soumises à des « droits d’autrui » dans un environnement fiable. Avec le Digital Service Act et le Digital Market Act, le DGA s’inscrit dans la stratégie de la Commission européenne en matière de données.
Ce « marché unique européen des données », comme le nomme le commissaire européen Thierry Breton, vise à mettre en place divers mécanismes de partage des données en faisant la promotion de la disponibilité des données pour alimenter différents usages (santé, mobilité, finance, administration, agriculture…). Ce qui sera permis grâce à la création d’un nouvel acteur : le service d’intermédiation de données. Les entreprises pourront ainsi partager volontairement leurs données, par l’intermédiaire de plateformes numériques, sans que le secret des affaires et la vie privée soient violées. Cette grande quantité de données pourra ainsi donner lieu à une exploitation par le biais de l’intelligence artificielle.
Les eurodéputés ont négocié des dispositions strictes de sorte qu’un accès équitable soit assuré et qu’une stimulation du partage de données soit enclenchée. Ils ont ainsi veillé à ce qu’aucune faille ne permette aux opérateurs de pays tiers d’abuser de ce nouveau dispositif. Ainsi, les organismes autorisant la réutilisation des données devront être équipés efficacement sur le plan technique pour que la confidentialité soit respectée.
Se réserver des droits exclusifs pour la réutilisation de certaines données devra être évité par les entreprises publiques et tout accord exclusif ne pourra excéder 12 mois pour les nouveaux contrats et 2,5 ans pour les contrats déjà existants pour faciliter l’accès à un large éventail de données pour les Startup et PME.
Les particuliers bénéficieront également du DGA. En effet, les services d’intermédiation leur permettront d’exercer leurs droits dans le cadre du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ainsi, il sera possible de partager mais pas de vendre ces informations à des entreprises de confiance, permettant un plus large contrôle sur ses données. Les services de partage de données utiliseront un logo européen commun, certifiant leur conformité et un registre électronique consultable des données du secteur public sera mis à disposition par la Commission via un point d’accès unique européen. Le Parlement et le Conseil doivent encore approuver formellement ce nouvel accord et l’application de ces règles est fixée à 15 mois après l’entrée en vigueur du règlement.
Le DGA marque une étape importante de la stratégie européenne visant une Europe souveraine des données. Ce texte est pleinement aligné avec les principes et les valeurs de l’Union européenne. L’UE se sert de sa force d’être une union d’États : en s’alliant, les différents membres peuvent avoir accès à des larges quantités de données. L’Union européenne veut ainsi encourager l’innovation sur son territoire en sécurisant les échanges et la réutilisation de data pour contrer ses concurrents et notamment les États-Unis et la Chine. Les États européens sont ainsi encouragés à développer des applications innovantes dans divers secteurs centraux tels que la justice ou encore la santé.
Selon Angelika Niebler, députée européenne, « la révolution des données n’attendra pas l’Europe, nous devons agir maintenant si les entreprises numériques européennes veulent avoir une place parmi les meilleurs innovateurs numériques du monde ».
En effet, l’Europe a parfois donné le sentiment d’être marginalisée dans la révolution des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), notamment en ce qui concerne la révolution des services internet grand public ; elle ne peut se permettre de manquer la révolution des données. Par cet acte, l’Union européenne montre qu’elle ne compte pas s’incliner face à d’autres grandes puissances et souhaite avoir sa place dans la course aux data.
Par Léa Dupont, étudiante de M1 DDA, sous la supervision de Isabelle Bufflier et Frédéric Munier, professeurs SKEMA BS