Paris, le 17 février 2025
L’Institut IDFRights exprime sa profonde déception face à la décision de la Commission européenne de retirer la proposition de directive sur la responsabilité de l’intelligence artificielle (IA) de son programme de travail pour 2025. Cette décision, prise sans concertation et à la dernière minute, prive l’Europe d’une opportunité cruciale de structurer un cadre juridique clair et harmonisé pour le développement responsable et compétitif des technologies d’IA – et ce, au moment où la Commission européenne annonce une augmentation du budget qui sera dédié aux investissements dans une IA européenne, capable de faire émerger des entreprises et des projets en Europe, où le marché est en pleine croissance et l’offre pour y répondre encore majoritairement non-européenne.
Si le développement du marché européen se poursuit selon les standards des entreprises leaders, américaines et dans le sillon des GAFAM, alors les entreprises européennes resteront à l’écart des grands marchés, y compris le nôtre ! L’UE s’apprête à reproduire l’erreur réglementaire et stratégique qui a conduit à la directive e-commerce début 2000, laquelle sous couvert de libre concurrence a sacralisé la position dominante des entreprises leaders de l’époque – américaines et devenues les fameux GAFAM. 25 ans après, les entreprises européennes qui devaient se développer grâce au droit européen et à notre marché unique sont toujours en position de faiblesse et de dépendance à l’égard des GAFAM, dont la toute puissance est à peine égratignée par les tentatives réglementaires de rééquilibrage du marché européen, les règles du DSA et du DMA étant contestées par ces entreprises et ne s’appliquant qu’au prix de procédures contentieuses et de pressions politiques contraires.
Un effort budgétaire significatif mais une stratégie incomplète
En parallèle au retrait ce jour de la proposition de directive sur la responsabilité de l’IA (AILD), la présidente de la Commission européenne a annoncé à Paris lors du sommet de l’IA un nouvel effort pour que l’UE puisse investir dans l’IA et combler son retard dans la course aux investissements mondiaux, avec une enveloppe de 8 milliards d’euros supplémentaires.
IDFRights salue cet effort budgétaire, bien que les projets spécifiques destinataires de ces fonds ne soient pas encore clairement identifiés et que l’effet d’annonce semble l’avoir emporté sur la stratégie de fond : l’institut s’interroge ainsi sur les motivations du choix consistant à augmenter les investissements tout en renonçant à un encadrement réglementaire qui aurait renforcé la sécurité juridique de ces investissements dans des projets et un marché aussi nouveaux dans l’UE qu’ailleurs dans le monde.
Réglementer et innover : deux impératifs complémentaires
IDFRights estime que réglementer et innover doivent aller de pair. L’Union européenne ne devrait pas céder aux discours politiques venus essentiellement des Etats Unis, surtout depuis l’arrivée de Donald Trump, qui estiment que la réglementation freine l’innovation – sans autre argumentation que la force de l’affirmation. Contrairement à cette rhétorique bien connue et démentie par l’évolution des politiques industrielles et économiques, un cadre réglementaire clair et harmonisé stimule l’innovation en offrant une sécurité juridique essentielle aux investisseurs et aux entreprises. L’UE en a fait l’exemple dans de nombreux secteurs, en avançant simultanément dans ces deux directions, qui ne sont pas contradictoires si les institutions et pouvoirs publics travaillent en étroite collaboration avec les entreprises, les centres de recherche et la société civile.
Un cadre juridique incertain et fragmenté
La directive sur la responsabilité des produits (PLD), bien que mise à jour, ne couvre pas l’ensemble des scénarios de responsabilité liés à l’IA ni tous les acteurs juridiques de la chaîne de valeur de l’IA. Par conséquent, la compensation des dommages dépendra des législations nationales des États membres, créant une incertitude juridique significative et un désavantage concurrentiel majeur pour les PME et les startups, qui seront les plus touchées par les coûts juridiques et de litige.
Une occasion manquée de cohérence avec l’AI Act
Il est regrettable que la proposition de directive sur la responsabilité de l’IA (AILD) n’ait pas été mieux alignée avec l’AI Act. Une meilleure intégration des définitions, des opérateurs d’IA et de l’approche basée sur les risques aurait permis une cohérence accrue, comme l’ont demandé à plusieurs reprises de nombreux États membres lors des sessions du groupe de travail du Conseil.
Un risque pour la compétitivité européenne
En l’absence d’un régime de responsabilité solidaire et conjointe dans l’AILD, les entreprises en aval (fournisseurs ou déployeurs) se retrouvent seules face aux risques de responsabilité. Les acteurs dominants du marché pourraient transférer ces risques en aval, par exemple en imposant à leurs clients des clauses de renonciation au recours. Ce scénario représente une menace potentielle pour la compétitivité de l’UE, un sujet régulièrement abordé lors des conférences sur l’IA à travers l’Europe.
Vers une réduction de l’incertitude juridique et de la fragmentation
IDFRights rappelle que, conformément aux recommandations du rapport Draghi et conscient du lourd fardeau réglementaire pesant sur les entreprises européennes, nous ne soutiendrons des avancées que si elles permettent de réduire l’incertitude juridique et la fragmentation, de renforcer notre économie et notre compétitivité, et d’aider les demandeurs (entreprises ou individus) à obtenir réparation. La simplification est nécessaire mais certainement pas au prix de l’abandon de règlementations protégeant nos valeurs.
Faciliter la co-construction entre les parties prenantes
Pour faciliter cette co-construction, IDFRights soutient les échanges entre pouvoirs publics, secteur privé et société civile. C’est dans cet esprit que l’institut conduit ses travaux et études sous la houlette de son comité d’orientation stratégique, présidé par Michel Vieworka.
Nous appelons la Commission européenne à engager un dialogue constructif avec toutes les parties prenantes pour élaborer une initiative qui permette de replacer la question de l’IA dans un cadre favorisant le développement du marché unique de l’IA en Europe.

Président iDFrights
À propos de IDFRights
IDFRights est un institut dédié à la promotion des droits numériques et à l’encadrement éthique des technologies émergentes. Nous œuvrons pour un développement technologique responsable et équitable, respectueux des droits fondamentaux et de la souveraineté des citoyens.
Contact presse : Anne Testuz – anne@atestuz.com – 06 64 19 00 65