Contrefaçon et piratage : actualités et priorités | par Delphine Sarfati-Sobreira
11 avril 2025

Les chiffres

La contrefaçon représente aujourd’hui 2,5% du commerce mondial, soit plus de 250 milliards d’euros. En Europe, une récente étude de l’EUIPO portant sur 3 secteurs particulièrement touchés – les jouets, les cosmétiques et l’habillement – estime les pertes à 16 milliards d’euros en ventes directes et près de 200 000 emplois perdus. En France, 6,7 milliards d’euros en ventes directes et 38 000 emplois sont perdus chaque année. 

En ce qui concerne les consommateurs, Une étude IFOP réalisée pour l’UNIFAB et l’INPI fin 2023 révèle que 4 Français sur 10 ont déjà acheté un produit contrefaisant. Fait inquiétant : 34% d’entre eux pensaient qu’il était authentique, et ce chiffre monte à 37% pour les 15-18 ans. 

Internet étant considéré comme le principal lieu pour acheter des produits contrefaisants ou consommer des contenus piratés depuis quelques années, l’UNIFAB a réalisé une enquête sur un échantillon représentatif de 25 entreprises de tous les secteurs d’activité, qui ont ensemble supprimé 32,2 millions d’annonces illégales sur les plateformes de vente en ligne et les places de marché en un an. Ce chiffre est considerable, surtout s’il est comparé à ceux qui sont transmis par les entreprises du digital à grand renfort de communication.

 

Les 3 challenges à relever

  • Le premier concerne le règlement européen Emballage et déchets d’emballage 

La réglementation européenne sur les emballages et les déchets d’emballages (REDE) est une préoccupation majeure pour les entreprises, étant donné le risque élevé de violation des droits de propriété intellectuelle – en particulier ceux relatifs aux dessins et modèles. 

Bien que l’UNIFAB soutienne les objectifs de la réglementation, certaines dispositions relatives à la minimisation des emballages, illustrées par la mise en place de systèmes de consigne pour certains contenants, sont particulièrement préoccupantes. 

Cette réglementation implique une plus grande standardisation des emballages, et donc une perte des éléments distinctifs qui sont emblématiques de certaines entreprises. L’emballage, notamment dans le luxe, fait partie intégrante du produit !

Par exemple, pour les parfums ou les vins et spiritueux, certaines entreprises détiennent des droits de propriété intellectuelle sur le design de leurs bouteilles, des droits utilisés pour protéger leur histoire mais aussi les années de recherche et développement, d’investissement publicitaires pour se distinguer de leurs concurrents…

Il faut se réjouir du travail accompli sur ce texte, puisqu’aucun droit de PI n’était évoqué dans la première version. Aujourd’hui l’article 9.2 intègre une exemption à propos de la forme de l’emballage, y compris les marques enregistrées et les indications géographiques pour certains produits (boisson). Mais ce n’est pas suffisant car certains aspects manquants alertent comme l’absence de protection du droit d’auteur… est ce tolérable ? Quel impact à venir sur la compétitivité ?

  • Le second concerne les Dupes et la Fast fashion

Issu du mot anglais « duplicate », le dupe est un nouveau moyen marketing des contrefacteurs pour vendre des imitations, trompant et dupant ainsi le consommateur – Duper c’est tromper !

L’un des principaux arguments du phénomène dupes c’est la promesse irréelle de se procurer un produit avec les mêmes caractéristiques qu’un produit de luxe pour un prix 10 fois inférieur. 

Derrière ce phénomène d’ampleur, notamment sur les réseaux sociaux, se cachent souvent des produits de contrefaçon, des produits qui sont dangereux car ils ne respectent pas les normes, engendrent des pertes d’emploi, entretiennent des liens avec la criminalité, nuisent à l’économie…Le mot change mais les conséquences sont les mêmes. 

L’UNIFAB sensibilise le public à travers les médias sur ce sujet ainsi que les influenceurs grâce à un module de formation sur « la contrefaçon et les dupes » en collaboration avec l’UMICC et l’ARPP. Sur TikTok, l’hashtag #dupe a généré à lui seul environ 2,8 milliards de vues et sur à Instagram, le compte @dupethat compte plus de 1,1 millions de followers !

Ce phénomène de dupes rejoint la tendance de fast-fashion avec une volonté de consommer en masse, sans se soucier de la qualité ou de la pérennité du produit. Avec l’essor des sites chinois qui créent des milliers de nouvelles références par jour, la recherche et développement n’existe pas dans cette dynamique. Ce sont des intelligences artificielles qui piochent et qui volent des données sur les réseaux sociaux ou autres sites de e-commerce pour générer de nouvelles références et modèles. 

Evidemment, en plus des conséquences déjà évoquées, ce phénomène des dupes pose des problèmes environnementaux considérables puisque les répercussions écologiques sont catastrophiques (métaux toxiques, gestion de déchet, pollution des eaux …)

  • Le troisième concerne le DSA et le statut de signaleurs de confiance

Le nouveau système de « signaleurs de confiance », régi par l’article 22 du Digital Service Act, permet un signalement et un retrait plus rapides, et plus faciles, des contenus illicites, tels que les contrefaçons, par l’intermédiaire des mécanismes de notification et d’actions.

L’ARCOM, coordinateur français, indique qu’il sera reconnu par tous les fournisseurs de plateformes en ligne relevant du champ d’application de ce règlement. 

L’entité candidate à ce statut doit, quant à elle, disposer d’une expertise et de compétences particulières pour détecter, identifier et notifier des contenus illicites, être indépendante de tout fournisseur de plateformes en ligne, et exercer ses activités aux fins de la soumission des notifications de manière diligente, précise et objective.

La réticence affichée de l’ARCOM concernant l’octroi de ce statut aux titulaires de droit pose problème car seule une entreprise peut authentifier à 100% ses propres produits. Un impact non négligeable sur les titulaires de droits de propriété intellectuelle est donc à craindre. Le risque encouru est celui de l’affaiblissement des réponses de la part des plateformes et leur réactivité face au contenu contrefaisant. Par ailleurs l’atteinte aux consommateurs, qui sont susceptibles d’être plus exposés à une large proposition de contrefaçons et donc d’être tentés d’en acheter, est réelle.

Enfin il faut souligner les risques si des entreprises privées nouvellement créées ou positionnées sur ce segment par appât du gain obtenaient ce statut, et les difficultés auxquelles une association pourrait être confrontée si le statut lui était octroyé, puisque c’est le souhait des coordinateurs européens : moyens financiers, niveau d’expertise, augmentation des délais de réponse…Les mois à venir seront décisifs dans les ajustements à fournir pour une mise en application efficace en Europe.

 

L’UNIFAB 

L’UNIFAB est l’association française pour la promotion et la protection des droits de propriété intellectuelle, fondée en 1872. Aujourd’hui, elle rassemble environ 200 entreprises et fédérations professionnelles, de toutes tailles (PME, multinationales) et surtout, de tous les secteurs d’activité (automobile, cosmétique, musique, film, vins et spiritueux, appareil électronique, jouet, habillement, biens de consommation courante, maroquinerie…), près de 30% de ses membres sont internationaux. 

Présidée par M. Christian PEUGEOT, ses 4 missions principales sont la communication à travers des campagnes de sensibilisation nationales conçues pour informer le public des effets et des conséquences de la contrefaçon sur la santé et la sécurité, l’environnement et l’économie. L’UNIFAB est également à l’origine de l’organisation d’événements majeurs tels que le Forum européen de la propriété intellectuelle et la Journée mondiale de lutte contre la contrefaçon, qui rassemblent tous les acteurs impliqués dans la protection des droits de propriété intellectuelle dans le monde entier. Enfin, depuis plus de 70 ans, l’UNIFAB gère le Musée de la Contrefaçon, qui accueille plus de 10 000 visiteurs par an. 

Elle mène par ailleurs des dialogues intenses avec les intermédiaires en ligne (places de marché, plateformes de médias sociaux…) pour les aider à mettre en place des mesures efficaces de protection afin de réduire le volume de contrefaçons et de piratage.

Puis elle assure la formation des autorités opérationnelles (douanes, gendarmerie française, police, répression des fraudes) afin de leur fournir les meilleurs outils pour identifier facilement un produit authentique d’un produit contrefait est fondamentale. Cette activité permet de sensibiliser en France environ 1000 agents par an.

Enfin l’Unifab s’est doté d’un Collège d’Experts internationaux qui réunit plus de 30 pays et un LAB qui offre à nos adhérents et partenaires le meilleur en termes de technologie pour vaincre la contrefaçon on line et off line.

Delphine-Safrati-Sobreira

Delphine Sarfati-Sobreira,

Directrice générale UNIFAB et Présidente GACG

Membre du Conseil d’orientation stratégique de l’iDFrights

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