Veille UE « Digital & ICC » du 14 au 21 novembre 2024
22 novembre 2024

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE 

Signature d’un accord entre l’UE et Singapour pour une IA sûre et fiable

Ce 21 novembre, les services de la Commission européenne et le ministère du Développement numérique et de l’Information de Singapour ont signé un accord administratif marquant le début d’une coopération entre le Bureau européen de l’intelligence artificielle (IA) et l’Institut de sécurité de l’IA de Singapour. Cet accord représente une étape importante pour renforcer leur collaboration en vue de promouvoir l’innovation, le développement et l’utilisation responsable d’une IA sûre, digne de confiance et centrée sur l’humain.

Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour “Une Europe adaptée à l’ère numérique”, a déclaré : « La sécurité des modèles d’IA utilisés à travers le monde est cruciale. Nous avons un objectif commun : garantir que la technologie fonctionne pour nous et respecte nos valeurs. L’accord d’aujourd’hui souligne que, lorsque nous partageons nos connaissances, nous pouvons apprendre les uns des autres. Cela nous permet de renforcer une collaboration numérique déjà bien établie. Avec la sécurité comme priorité, l’innovation peut progresser avec un risque minimal tout en approfondissant notre compréhension de cette technologie fascinante mais complexe. J’ai hâte de voir les résultats de cette coopération entre notre Bureau de l’IA et l’Institut de sécurité de l’IA de Singapour. »

Les deux administrations, partenaires partageant des visions similaires, ont convenu d’aborder la sécurité des modèles d’IA à usage général par le biais d’échanges d’informations et de bonnes pratiques, de tests et évaluations conjoints, du développement d’outils et de repères, d’activités de normalisation, ainsi que de recherches pour faire progresser une IA sûre et digne de confiance. De plus, les deux parties se sont engagées à échanger leurs points de vue sur les tendances et les évolutions technologiques futures dans le domaine de l’IA, d’autres domaines de collaboration restant envisageables.

L’accord administratif signé aujourd’hui constitue un accomplissement majeur du Partenariat numérique UE-Singapour (EU-Singapore Digital Partnership), signé en 2023 pour soutenir l’innovation tout en minimisant les risques liés au développement des modèles d’IA de plus en plus performants. En octobre dernier, les pays du G7 s’étaient engagés pour une utilisation plus « éthique » de l’intelligence artificielle, à travers un nouveau cadre de développement.

Code de bonnes pratiques pour les GPAI : la Commission affine le cadre réglementaire

L’UE poursuit son travail sur le cadre réglementaire des modèles d’intelligence artificielle à usage général (GPAI) avec une nouvelle phase de consultation. Après la publication, le 14 novembre, de la première ébauche du code de bonnes pratiques pour les GPAI, la Commission européenne a transmis aux membres des groupes de travail une série de questions supplémentaires destinées à orienter les discussions en cours. Ces interrogations, dévoilées par Euractiv et publiées également par Contexte, visent à clarifier et affiner des mesures clés du futur cadre.

Les questions formulées par l’exécutif européen portent sur des thématiques centrales telles que :

  • L’utilité des mesures proposées,
  • Leur proportionnalité,
  • Le champ d’application des obligations, notamment en fonction des différentes catégories de fournisseurs et utilisateurs d’IA.

Ces points devront alimenter les travaux des groupes de travail, qui ont commencé le 18 novembre, et contribuer à garantir que le code soit non seulement applicable mais aussi équilibré dans ses exigences.

Par ailleurs, un questionnaire de retour d’information a été envoyé le 15 novembre aux participants, les invitant à partager leurs observations sur l’ensemble des mesures envisagées.

Focus sur la transparence et le droit d’auteur

Une réunion spécifique consacrée à la transparence et à la gestion des droits d’auteur est prévue le 21 novembre. Parmi les questions soulevées :

  • Les informations précises que les fournisseurs d’IA collectent déjà sans publication,
  • Les mécanismes de distribution des données d’entraînement via des tiers,
  • L’utilisation de la méthode robots.txt pour exprimer la réservation de droits (opt-out),
  • Le contrôle des fournisseurs d’IA sur les données provenant de tiers.

Ces discussions illustrent les efforts de la Commission pour s’assurer que le futur cadre intègre des garanties en matière de transparence et respecte les droits des créateurs de contenus, tout en définissant des obligations claires pour les acteurs de l’IA.

Un cadre en constante évolution

Ces consultations s’inscrivent dans une démarche évolutive : la première version du code, dévoilée le 14 novembre, représente une base de travail appelée à être enrichie par les retours des experts. Cette approche participative permet d’ajuster les dispositions proposées aux réalités du marché tout en répondant aux préoccupations des citoyens et des entreprises sur les impacts des GPAI.

En établissant un dialogue avec les parties prenantes, l’Union Européenne confirme sa volonté de construire un cadre réglementaire à la fois rigoureux et adaptable, garantissant une IA sûre et alignée avec les valeurs européennes.

Tribune : Un cadre juridique pour les contrats automatisés à l’ère de l’IA

L’Usine Digitale a publié ce 21 novembre une tribune de Me Éric A. Caprioli (avocat à la Cour, docteur en droit, fondateur de Caprioli & Associés, société d’avocats membre du réseau Jurisdéfi) qui met en lumière un tournant juridique majeur : l’adoption en juillet 2024 par la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International) d’une nouvelle loi-type sur les contrats automatisés. Ce texte, qui s’inscrit dans un contexte d’accélération des usages de l’IA dans le commerce électronique, soulève des enjeux cruciaux sur l’adaptation des cadres juridiques aux technologies émergentes.

Comme le rappelle la tribune, cette loi-type s’inscrit dans la continuité de deux instruments clés : la loi-type de 1996 sur le commerce électronique et la Convention de 2005 sur les communications électroniques. Toutefois, elle va plus loin en reconnaissant juridiquement les contrats entièrement automatisés, qui non seulement se forment, mais s’exécutent sans intervention humaine.

L’article 5-1, qui consacre la validité de ces contrats, marque une avancée majeure en leur conférant une reconnaissance équivalente aux documents électroniques traditionnels. Cette évolution est particulièrement pertinente à l’ère des « smart contracts », où des clauses contractuelles sont écrites en code informatique et mises en œuvre automatiquement grâce à des données dynamiques.

Bien que le texte n’utilise pas explicitement le terme “IA”, il englobe les systèmes automatisés souvent alimentés par des algorithmes intelligents. Comme le souligne Me Caprioli, cela soulève des questions techniques et éthiques. Par exemple, l’article 8 prévoit des mécanismes pour gérer les actions inattendues de ces systèmes, mais laisse une marge d’interprétation importante. Cette incertitude pourrait devenir un terrain fertile pour des litiges futurs, notamment dans le cadre des interactions entre des systèmes d’IA sophistiqués.

L’article 4 de la loi-type insiste sur la neutralité technologique, un principe essentiel pour éviter de privilégier une technologie particulière. Cela garantit une applicabilité durable malgré l’évolution rapide des outils technologiques. Ce point, largement soutenu par l’Union européenne dans des textes tels que le règlement eIDAS révisé en 2024, reflète une approche pragmatique pour encadrer les innovations sans freiner leur adoption.

La tribune met en lumière un enjeu central : l’harmonisation des cadres juridiques entre États. En recommandant l’incorporation de cette loi-type dans les systèmes nationaux, la CNUDCI cherche à réduire les incertitudes liées aux contrats transfrontaliers. Toutefois, comme le souligne Me Caprioli, les États ont la possibilité de moduler certaines dispositions, ce qui pourrait limiter la portée d’une harmonisation universelle.

Enfin, Me Caprioli attire l’attention sur l’impact croissant de l’IA sur les consommateurs, notamment en matière de données personnelles. La future réglementation sur les contrats de fourniture de données, prévue pour 2025 en complément de cette loi-type, devra répondre à ces préoccupations. Le lien avec des initiatives européennes comme la Loi européenne sur les Données (Data Act) témoigne de l’importance de coordonner les efforts internationaux pour protéger les droits des individus face à des systèmes toujours plus complexes.

La loi-type de 2024 marque une étape essentielle dans l’adaptation des régulations aux réalités de l’IA et des contrats automatisés. Cependant, comme le souligne la tribune de Me Caprioli, cette avancée doit être accompagnée d’un travail approfondi sur les responsabilités des parties et les droits des consommateurs. Dans un monde où l’autonomie des systèmes s’accroît, le droit reste un levier indispensable pour garantir la sécurité et la confiance dans les transactions numériques.

 

DMA/DSA

Booking.com contraint de se conformer aux règles strictes du DMA

Depuis le 14 novembre, le site de réservation en ligne Booking.com est officiellement soumis aux dispositions de la loi sur les marchés numériques (DMA), marquant une nouvelle étape dans l’encadrement des grandes plateformes numériques. Désigné comme contrôleur d’accès en mai dernier, Booking.com doit désormais revoir en profondeur son mode de fonctionnement pour se conformer à ces exigences réglementaires.

Fin des clauses de parité : plus de liberté pour les prestataires

L’une des principales conséquences du statut de contrôleur d’accès est l’interdiction des clauses de parité. Ces clauses, qui obligeaient les hôtels, agences de location de voitures et autres prestataires à proposer les mêmes prix et conditions sur Booking.com que sur leurs propres sites ou autres plateformes, ne sont désormais plus autorisées. Désormais, les prestataires peuvent librement afficher des prix différents, voire plus compétitifs, sur leurs propres sites ou via d’autres canaux, sans crainte de sanctions ou de pénalités de la part de Booking.com.

Interdiction des mesures équivalentes et contrôle des pratiques commerciales

Le DMA impose également des restrictions supplémentaires à Booking.com. En réponse à l’interdiction des clauses de parité, la plateforme :

  • Ne peut augmenter ses commissions pour compenser l’absence de ces clauses,
  • Ne peut déréférencer ou pénaliser les offres des utilisateurs professionnels qui affichent des prix différents sur d’autres plateformes.

Ces obligations visent à empêcher la création de pratiques équivalentes contournant l’esprit du DMA, garantissant ainsi une concurrence loyale et des conditions favorables aux prestataires de services.

Un suivi rigoureux de la conformité

Booking.com est tenu de soumettre un rapport de conformité à la Commission européenne, qui analysera les mesures mises en place pour garantir leur efficacité conformément aux règles du DMA. Ce processus permettra de vérifier si la plateforme respecte pleinement ses obligations et de détecter tout manquement éventuel.

La mise en œuvre des règles strictes du DMA pour Booking.com envoie un signal clair aux autres contrôleurs d’accès désignés. Cette évolution ouvre de nouvelles perspectives pour les prestataires de services, qui pourront désormais reprendre le contrôle sur leur politique tarifaire et leurs conditions commerciales dans un environnement davantage respectueux de la concurrence.

En bref :

  • Reporters sans frontières (RSF) porte plainte contre le réseau social X pour diffusion de fausses informations et usurpation d’identité – Ciblée par une campagne de désinformation, l’ONG indique avoir effectué dix signalements pour diffamation contre les publications « ayant le plus contribué à diffuser ou amplifier cette désinformation » mais que X n’a pas réagi en les retirant, comme il aurait dû le faire en application du règlement européen sur les services numériques (DMA). Les publications visées par RSF sont ainsi restées visibles sur le site. 

RSF rappelle avoir été victime d’une autre campagne diffamante à la fin du mois d’août : une vidéo « frauduleusement estampillée BBC, présentait RSF comme l’auteur d’une prétendue étude sur les penchants nazis de militaires ukrainiens ». Diffusée sur X, la vidéo avait été reprise comme étant une information fiable par l’État russe.

Dans les deux cas, X n’a pas engagé la moindre action de modération, ce qui a convaincu RSF de porter plainte devant la justice française mercredi 13 novembre. 

 

DONNÉES : 

En bref :

  • La Commission européenne mène des inspections surprises dans le secteur de la construction des centres de données – La Commission européenne a annoncé, le 18 novembre, avoir procédé à des inspections inopinées dans des entreprises actives dans la construction de centres de données, un secteur stratégique pour le stockage et le traitement des informations numériques. L’enquête porte sur de possibles violations des règles européennes en matière de concurrence, notamment les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, qui interdisent les cartels et les pratiques restrictives. La Commission suspecte une éventuelle collusion sous la forme d’accords de non-paiement, pratique qui pourrait fausser la concurrence dans ce secteur en pleine expansion. La Commission précise que le lancement de ces inspections ne présume pas de la culpabilité des entreprises concernées. Ces perquisitions constituent une étape préliminaire dans la recherche de preuves d’éventuels comportements anticoncurrentiels. 

Parallèlement, des demandes formelles d’information ont été envoyées à plusieurs entreprises. L’enquête pourrait conduire à des sanctions importantes en cas de confirmation des infractions, renforçant la vigilance de l’UE face à des pratiques susceptibles de menacer l’intégrité du marché unique numérique.

 

CYBERSÉCURITE : 

En bref :

  • L’UE établit une position commune sur l’application du droit international au cyberespace – Le Conseil de l’Union Européenne a approuvé, le 18 novembre, une déclaration établissant une position commune sur l’application du droit international au cyberespace. Ce texte réaffirme que le droit international existant s’applique pleinement au domaine numérique et que les États membres doivent respecter leurs obligations lorsqu’ils mènent des activités dans ce domaine. La déclaration met en lumière les cybermenaces croissantes, notamment les attaques par rançongiciels, qui représentent un défi majeur pour les sociétés et économies européennes. L’Union Européenne et ses membres s’engagent à contrer ces menaces en s’appuyant sur le cadre existant des Nations unies pour un comportement responsable des États en cyberespace.

Ce cadre, fondé sur le droit international, vise à maintenir la paix dans le cyberespace en définissant des principes de coopération et de comportement responsable. Selon le Conseil, cette déclaration démontre qu’il est possible d’arriver à une compréhension commune des principes fondamentaux et des règles juridiques applicables au cyberespace, consolidant ainsi la position de l’UE sur la scène mondiale.

 

NUMERIQUE

Une nouvelle plateforme numérique pour déclarer les travailleurs détachés

L’Union européenne compte environ 5 millions de travailleurs détachés, envoyés temporairement dans un autre pays de l’UE pour y fournir des services. Actuellement, les entreprises doivent remplir des documents variés et complexes dans chaque État membre, ce qui représente une lourde charge administrative. Pour y remédier, la Commission européenne propose de mettre en place un portail numérique unique pour simplifier les déclarations liées au détachement des travailleurs. Ce portail permettra de :

  • Réduire la charge administrative : un formulaire unique, disponible dans toutes les langues officielles de l’UE, remplacera les 27 formulaires nationaux. Cette simplification réduira de 73 % le temps consacré aux déclarations,
  • De renforcer la coopération entre États membres : le portail s’intégrera au système déjà utilisé pour vérifier le respect des règles sur les travailleurs détachés,
  • De mieux protéger les travailleurs : en rendant le processus plus transparent, il facilitera les contrôles et contribuera à réduire les cas de non-conformité.

Les États membres pourront utiliser le portail sur une base volontaire. Ceux qui y participeront bénéficieront d’une réduction significative des coûts administratifs liés au détachement des travailleurs. Cette initiative s’inscrit dans l’objectif de l’UE de réduire de 25 % la charge administrative des entreprises, comme mentionné dans la communication sur la compétitivité à long terme de l’UE.

En bref :

  • Forum pour un Internet plus sûr 2024 : protéger les enfants des dangers en ligne –Il s’est à Bruxelles et en ligne le 21 novembre, pour mettre l’accent sur la lutte contre le harcèlement et les contenus préjudiciables en ligne, en particulier ceux visant les enfants. Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne, a participé aux discussions avec des experts, des décideurs politiques, des ONG et des jeunes. Les débats ont notamment porté sur la contribution du DSA à la protection des enfants contre le cyberharcèlement et les contenus inappropriés – l’occasion de rappeler que les engagements pris pour mettre en place un système européen de vérification de l’âge étaient loin d’être tenus. Selon Jourová, la priorité est de contrer les effets des médias sociaux sur la santé mentale des jeunes, notamment l’anxiété et la dépression. Elle a déclaré : « Nous devons offrir un monde suffisamment attrayant pour détourner les enfants des pièges du numérique. »

 

EUROPEAN MEDIA FREEDOM ACT / AUDIOVISUEL

En bref :

  • L’idée de créer un groupe d’experts sur la désinformation prend de l’ampleur dans les discussions européennes – C’est l’une des recommandations phares du livre blanc de Narratives Observatory combatting Disinformation in Europe Systemically (Nodes), un projet pilote financé par la Commission européenne. Présenté lors d’une table ronde organisée au Parlement européen le 14 novembre par ReimagineEuropa, ce livre blanc a reçu un accueil favorable de plusieurs responsables, dont Ivo Belet, chef adjoint du cabinet de la Commissaire à la « Démographie et Démocratie », Dubravka Šuica. 

Le document propose non seulement de créer un groupe d’experts dédié à la lutte contre la désinformation, mais aussi de renforcer l’accès des chercheurs aux données des grandes plateformes numériques pour mieux analyser et contrer ce phénomène – dans la droite ligne des dispositions du DMA.

Paolo Cesarini, président de l’Observatoire européen des médias numériques (Edmo), a souligné l’importance de préparer les citoyens à détecter les manipulations d’information (« pre-bunking ») plutôt que de leur imposer des points de vue. L’Edmo, appelé à devenir le futur « Viginum » européen, pourrait travailler en complémentarité avec le projet Nodes. En parallèle, la Commission européenne prépare son « bouclier démocratique », une initiative visant à renforcer la résilience des démocraties face à la désinformation, bien que ses détails restent encore flous.

 

VIE INSTITUTIONNELLE UE 

Accord au Parlement européen sur la formation de la Commission « von der Leyen II »

La semaine dernière, la confirmation des vice-présidents désignés ainsi que le sort du commissaire désigné hongrois Olivér Várhelyi avaient fait l’objet d’un renvoi de la part des commissions parlementaires compétentes, faute d’accord entre les groupes politiques.

Un accord de coalition entre le PPE, les Socialistes & Démocrates et Renew Europe, formé ce mercredi 20 novembre, a permis de valider les six vice-présidents désignés et le commissaire hongrois Olivér Várhelyi, sous condition de réduction de son portefeuille. Une déclaration conjointe illustre cet accord : la « Platform Cooperation Statement » (traduction FR ci-après en fin de veille), rédigée pour fixer neuf priorités communes, incluant l’état de droit, la transition numérique et une gestion ordonnée de la migration. 

Cet accord vise à former une nouvelle majorité au sein du Parlement européen, excluant cette fois-ci les Verts. Néanmoins, il n’exclut pas la possibilité pour les partis de collaborer ponctuellement avec d’autres groupes comme le PPE avec les Conservateurs et Réformistes (ECR) ou l’extrême droite, sur certains dossiers sensibles.

  • Prochaine étape :

27/11 : vote en plénière du nouveau collège de commissaires européens (majorité simple)

Un très net glissement à droite de l’alliance politique majoritaire au Parlement européen

Depuis plusieurs mois, une transformation fondamentale s’opère dans l’équilibre des pouvoirs au Parlement européen. L’alliance centriste qui avait historiquement dominé les institutions de l’Union européenne, en associant le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes & Démocrates (S&D), et le groupe libéral Renew, semble céder la place à une coalition plus à droite, incluant le PPE et les Conservateurs et réformistes européens (ECR). Ce réalignement marque un tournant politique majeur pour l’UE, tant dans ses mécanismes institutionnels que dans ses priorités stratégiques.

Une rupture avec le modèle de consensus centriste

Historiquement, le PPE a formé des majorités au cas par cas en collaborant avec les groupes centristes du S&D et de Renew. Ce modèle de gouvernance a permis de maintenir une relative stabilité institutionnelle en préservant une approche pro-européenne face aux menaces populistes. Cependant, les résultats des élections européennes de juin, suivis de décisions stratégiques récentes, montrent une volonté croissante du PPE de s’appuyer sur des alliances avec la droite dure.

La nomination controversée de certains membres de la nouvelle Commission européenne illustre ce basculement. Le PPE, dirigé par Manfred Weber, a ouvertement négocié avec l’ECR, une famille politique qui inclut des partis populistes tels que Droit et Justice en Pologne ou Fratelli d’Italia en Italie. L’attribution du poste de vice-président exécutif de la Commission à Raffaele Fitto, un membre de l’ECR, est emblématique de ce changement. Cette décision, inenvisageable il y a encore quelques années, suscite une vive opposition des socialistes, des libéraux et des Verts, qui dénoncent un affaiblissement des principes pro-européens traditionnels.

Une polarisation accrue au Parlement européen

Ce glissement politique s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes au Parlement. La formation d’une « majorité vénézuélienne » – une coalition informelle entre le PPE, l’ECR, et d’autres partis de droite et d’extrême droite – a permis d’influencer plusieurs votes récents, notamment sur des questions environnementales et économiques. Par exemple, l’amendement d’un projet de loi visant à mettre fin à la déforestation mondiale a été soutenu par cette nouvelle alliance, provoquant la colère des factions progressistes.

Selon Kathleen Van Brempt, députée socialiste belge, cette évolution reflète une stratégie délibérée du PPE pour se détourner de la coalition pro-européenne en faveur d’alliances avec l’extrême droite. Cette polarisation complique la tâche des socialistes, qui ont menacé de bloquer la nouvelle Commission européenne si le PPE persiste dans cette voie.

Les enjeux stratégiques de ce réalignement

Le rapprochement entre le PPE et l’ECR pourrait avoir des conséquences profondes sur les politiques européennes. Plusieurs domaines clés, tels que la migration, le climat ou encore la protection des industries traditionnelles, risquent d’être redéfinis sous l’influence accrue de la droite dure. Les questions de financement régional et de politique agricole, confiées à Raffaele Fitto, pourraient également subir un virage protectionniste et conservateur.

Par ailleurs, cette évolution intervient à un moment critique pour l’Union européenne, confrontée à une instabilité géopolitique croissante et à l’incertitude liée à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis. La fragmentation du consensus pro-européen pourrait affaiblir la position de l’UE sur la scène internationale, notamment dans des domaines sensibles comme le soutien à l’Ukraine.

Une réaction insuffisante des forces centristes

Malgré les avertissements répétés de figures centristes et progressistes, telles que la libérale slovaque Ľubica Karvašová, la capacité du S&D et de Renew à freiner cette dynamique semble limitée. Les appels à une coopération renouvelée entre les forces pro-européennes peinent à se traduire en actions concrètes. La menace socialiste de bloquer la Commission reste une arme à double tranchant, risquant de paralyser les institutions européennes à un moment crucial.

Un équilibre des pouvoirs redéfini

Le réalignement politique au Parlement européen marque une étape décisive dans l’évolution de l’UE. En optant pour des alliances avec l’ECR, le PPE assume un virage stratégique qui reflète une montée en puissance des forces conservatrices et populistes dans le paysage politique européen. Ce changement soulève des questions fondamentales sur l’avenir du consensus pro-européen, la capacité des institutions à répondre aux défis géopolitiques et climatiques, et la résilience des valeurs démocratiques face à une droite dure désormais incontournable.

En bref :

  • Cybersécurité et IA : Priorités polonaises pour la présidence du Conseil en 2025 – Lors d’un point presse le 14 novembre, Dariusz Standerski, secrétaire d’État polonais aux Affaires numériques, a présenté les grandes lignes de la future présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne qui débutera le 1er janvier 2025. La cybersécurité figure en tête de liste des priorités. Rappelant que la Pologne est « le pays le plus attaqué dans le cyberespace », Standerski a plaidé pour une coopération renforcée entre agences nationales et davantage de ressources.

Sur le plan de IA, Varsovie ambitionne de développer des modèles à double usage (civil et militaire), tout en harmonisant l’application du règlement sur l’IA avec des investissements à l’échelle européenne. Le secrétaire d’État a exprimé sa volonté de collaborer sur les « applications stratégiques de l’IA », un projet également soutenu par la candidate à la vice-présidence de la Commission européenne pour le numérique et les médias, Henna Virkkunen. En revanche, Standerski est resté évasif sur le Digital Networks Act, appelant à poursuivre les discussions avec la Commission, sans préciser de calendrier.

  • Antti Timonen, futur chef de cabinet confirmé pour Henna Virkkunen – Actuel chef de l’équipe de transition d’Henna Virkkunen, commissaire désignée à la Souveraineté technologique, devrait conserver son rôle une fois le nouveau collège de la Commission en place. Selon des sources proches du dossier, Timonen est déjà impliqué dans l’organisation interne de la future Commission.

Son parcours est marqué par des fonctions stratégiques : ancien porte-parole adjoint de la présidente du Parlement européen, il a également travaillé pour Jyrki Katainen, ex-commissaire finlandais, et Manfred Weber, leader du PPE au Parlement. Lors de la préparation de son audition parlementaire, Virkkunen s’est entourée d’anciens collaborateurs expérimentés comme Susanna Makikokkila et Anniina Iskanius. Timonen semble donc bien positionné pour jouer un rôle central dans l’application des politiques technologiques du futur exécutif européen.

 

AGENDA DE LA SEMAINE PROCHAINE

Parlement européen : 

 

Conseil de l’UE : 

  • 25 novembre : Horizontal Working Party on Cyber Issues

 

Autres:

  • 2 décembre : Symposium sur le droit d’auteur et l’IA dans les médias le à Istanbul

Le “ 2ème Symposium sur le droit d’auteur dans les actualités et l’IA dans les médias”, organisé par Anadolu et l’Université Bogazici avec le soutien du Ministère de la Culture et du Tourisme de Turquie, se tiendra le 2 décembre à l’Université Bogazici à Istanbul. L’événement réunira des experts juridiques, professionnels des médias et spécialistes de la technologie pour discuter de l’impact de la transformation numérique sur le droit d’auteur et des défis posés par l’intelligence artificielle dans la production d’actualités. Avec des intervenants renommés comme le Dr. Henning Grosse Ruse-Khan (Cambridge) et Giulia Li Greci (ANSA), l’événement est ouvert aux journalistes, juristes et spécialistes de l’IA via inscription.

Déclaration de coopération entre les groupes politiques PPE, S&D Renew Europe

Le Parti Populaire Européen (PPE), l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D) et Renew Europe conviennent de coopérer pour la 10ᵉ législature du Parlement européen. Nous reconnaissons les défis posés par la situation géopolitique, le fossé de compétitivité de l’Europe, les problèmes de sécurité, la migration, la crise climatique ainsi que les inégalités socio-économiques. Nous réaffirmons donc notre engagement à travailler ensemble avec une approche constructive pour faire avancer un programme de réformes basé sur les orientations politiques du 18 juillet 2024 du Président de la Commission européenne, dans l’intérêt des citoyens européens.

  1. Unir l’Europe : diriger sur la base de valeurs communes

Nous sommes déterminés à travailler ensemble pour renforcer l’Union européenne. L’UE est fondée sur les valeurs énoncées à l’article 2 du Traité et dans la Charte des droits fondamentaux. Nous croyons que les solutions viendront de la coopération entre nos groupes politiques et tous ceux qui souhaitent continuer à bâtir une Union fondée sur ces valeurs et prête à relever les défis mondiaux tout en défendant les institutions démocratiques. L’État de droit, une position pro-Ukraine et une approche pro-européenne sont des aspects fondamentaux de notre coopération.

  1. Prospérité : une stratégie audacieuse pour la croissance durable

Nous nous engageons à suivre les recommandations des rapports Draghi et Letta. Nous adopterons un nouveau pacte industriel pour améliorer la compétitivité des industries stratégiques et accélérer la décarbonation dans l’industrie lourde. Nous développerons des accords commerciaux équitables et des outils d’économie circulaire. Pour combler le manque d’investissements, nous soutiendrons l’augmentation des financements publics et privés, tout en promouvant des marchés de capitaux dynamiques. Nous favoriserons un environnement favorable aux entreprises, réduirons les charges administratives inutiles sans compromettre les objectifs politiques convenus tels que le Pacte vert, et introduirons un Passeport PME européen pour moderniser le marché unique. Nous nous engageons à contribuer à une économie qui fonctionne pour les citoyens.

  1. Politique migratoire et sécurité : renforcer la défense et la sécurité

Nous souhaitons renforcer la défense européenne, y compris en avançant vers une véritable Union européenne de la défense, complémentaire de l’OTAN. Nous prévoyons de renforcer la base industrielle de défense européenne et les instruments d’acquisition commune sur la base du principe “Acheter européen en priorité”. Nous souhaitons également améliorer les capacités de cyberdéfense, notamment à travers un bouclier européen pour la démocratie. Nous sommes pleinement engagés à garantir l’intégrité de l’espace Schengen, la gestion appropriée des frontières extérieures et une mise en œuvre rapide, efficace et complète du Pacte sur la migration et l’asile.

  1. Soutenir les citoyens : renforcer les sociétés et maintenir le modèle social européen

Nous nous engageons à développer une feuille de route pour des emplois de qualité, établissant des normes élevées en matière de santé et de sécurité au travail et garantissant un droit individuel à la formation pour tous les travailleurs. Nous investirons dans des compétences stratégiques via des formations de qualité, le perfectionnement et la reconversion. Nous continuerons à promouvoir une politique de cohésion qui serve tous les Européens et qui n’abandonne personne. L’économie sociale de marché doit rester un pilier essentiel de la croissance économique de l’UE : encourager le travail de qualité, la négociation collective conformément aux pratiques nationales, offrir des logements abordables et des soins de santé de qualité sont des éléments clés d’une société équitable qui n’abandonne personne. À cet égard, nous sommes engagés dans la mise en œuvre de la récente « Déclaration de La Hulpe »et dans un « Pilier européen des droits sociaux » fort.

  1. Préserver notre avenir : assurer la sécurité alimentaire, l’eau et un environnement durable

La protection des ressources naturelles de l’Europe est essentielle pour garantir le bien-être des générations actuelles et futures. Nous devons garantir une alimentation de qualité, la sécurité alimentaire et des conditions de travail durables et équitables pour les agriculteurs et les pêcheurs, leur offrir des solutions accessibles et abordables, et rééquilibrer le rapport de force entre producteurs et distributeurs. La politique agricole reste un secteur stratégique pour l’UE, que nous continuerons à promouvoir et à défendre. Notre stratégie en matière de biodiversité protégera et restaurera les écosystèmes dégradés, garantira la qualité de l’air et protégera les océans.

  1. Défendre la démocratie : défendre les valeurs et renforcer l’État de droit

Nous nous engageons à protéger la démocratie en restaurant l’État de droit là où il a été affaibli. Nous insistons pour que la boîte à outils de l’UE soit pleinement utilisée à cette fin. Nous travaillerons ensemble pour protéger les droits des femmes et garantir l’égalité des genres.

  1. Renforcer notre puissance : l’Europe en tant que leader mondial

Nous restons pleinement engagés à renforcer le rôle de l’UE dans le monde, à défendre un ordre international fondé sur des règles et les droits humains. Dans ces efforts, l’UE doit utiliser tous les instruments à sa disposition, y compris les sanctions. Nous restons engagés dans la stratégie d’élargissement, basée sur le mérite et des critères convenus. Nous réitérons notre soutien indéfectible à l’Ukraine pour préserver sa souveraineté et retrouver son intégrité territoriale. Nous restons engagés envers les Objectifs de Développement Durable (ODD), un outil clé pour la politique extérieure de l’UE. Dans le contexte des élections américaines, nous nous engageons à examiner les relations transatlantiques avec une approche pragmatique et tournée vers l’avenir pour protéger et promouvoir les intérêts européens.

  1. Construire l’avenir : investir dans un budget moderne aligné sur nos ambitions

Le prochain budget de l’UE doit être ambitieux, axé sur les résultats et aligné stratégiquement avec les objectifs de l’Union. Les fonds doivent être simplifiés et mieux organisés pour réduire les complexités inutiles. Le budget doit également être plus flexible pour répondre rapidement aux crises. Le budget de l’UE doit être protégé contre les abus dans les cas où les États membres violent les principes de l’État de droit. Le prochain budget de l’UE devra être soutenu par des niveaux adéquats d’investissement public et privé. De nouvelles ressources propres seront nécessaires pour garantir un financement suffisant et durable des priorités communes.

  1. Approfondir notre Union : réformer l’UE pour améliorer sa capacité à agir

Nous nous engageons à faire progresser les réformes nécessaires, y compris des modifications des Traités pour une « union toujours plus étroite », et à garantir la meilleure représentation possible des citoyens de l’UE. Nous continuerons à protéger et promouvoir les prérogatives du Parlement européen, notamment à travers le nouvel accord-cadre négocié.

Pour le groupe PPE :

 Manfred Weber

Pour le groupe S&D :

 Irate Garcia Pérez

 Pour le groupe Renew Europe :

Valérie Hayer

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La Commission a publié le premier projet de code de bonnes pratiques sur l’intelligence artificielle (IA) à finalité générale.Cette première version du code de bonnes pratiques a été élaborée par les experts indépendants nommés par le Bureau de l’IA à la présidence et à la vice-présidence des quatre groupes de travail du Code de pratique général sur l’IA.

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Veille UE « Digital & ICC » du 10 au 17 octobre 2024

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Les députés européens Michael McNamara et Brando Benifei choisis pour diriger le groupe de surveillance sur l’IA du Parlement européen.

Le groupe de surveillance sur l’IA du Parlement européen est chargé de superviser la mise en œuvre du règlement sur l’IA : il sera en quelque sorte le pendant du Bureau de l’IA, à la différence que celui-ci est prévu dans les dispositions du règlement alors que le groupe de surveillance est à l’initiative du seul Parlement européen, poussé lors des travaux sur l’IA Act par M. Benifei en particulier.

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