DMA/DSA
La campagne menée par Meta pour amener les géants des magasins d’applications Google et Apple à vérifier l’âge de leurs utilisateurs prend pied en Europe
C’est par un billet de blog (lien en anglais) de sa Directrice Mondiale de la Sûreté, Antigone Davis, publié le 25 novembre, que Meta propose à la Commission européenne un système harmonisé de vérification de l’âge et de normes de sécurité pour les applications et les services en ligne. Antigone Davis a d’ailleurs formulé la même proposition au Congrès américain, faisant d’abord le même constat de part et d’autre de l’Atlantique : « La réglementation européenne sur la sécurité des jeunes est trop fragmentée » écrit-elle pour l’UE tandis qu’elle relève dans un billet de blog daté du 15 novembre sur le même sujet aux Etats-Unis qu’« Une législation est nécessaire pour que toutes les applications utilisées par les adolescents soient soumises aux mêmes normes. Mais ce qui se passe est bien plus compliqué que cela. Les États américains adoptent une mosaïque de lois différentes (…). »
L’harmonisation d’un système de vérification de l’âge est un enjeu qui doit rester simple à utiliser, préventif et respectueux de la vie privée sur la meilleure façon de déterminer l’âge des utilisateurs en ligne. C’est à la lueur de ces critères qu’elle propose une solution à la source : la vérification de l’âge et l’accord parental pour les téléchargements depuis le magasin d’applications des moins de 16 ans. Selon la proposition de Meta, si un enfant mineur souhaite télécharger une application, les magasins d’applications seraient tenus d’en informer ses parents, qui décideraient alors d’approuver ou non le téléchargement.
De nombreux obstacles rendent de telles obligations de contrôle difficiles à appliquer par les plateformes, telles que Facebook et Instagram, pour interdire l’utilisation de leurs sites aux utilisateurs n’ayant pas atteint un certain âge : une législation qui imposerait ces obligations aux magasins d’applications plutôt qu’aux fournisseurs d’applications individuels permettrait de contourner ces obstacles tout en assurant la cohérence de la solution et de son utilisation : « C’est pourquoi nous avons besoin de toute urgence d’une nouvelle réglementation européenne qui fournisse des protections cohérentes pour les adolescents en ligne, exigeant que les boutiques en ligne d’applications vérifient l’âge des adolescents et obtiennent l’approbation des parents lorsque des adolescents de moins de 16 ans téléchargent une application » écrit-elle soulignant également sans ses arguments que cette solution contribuera également à préserver la vie privée. En effet, en vérifiant l’âge d’un adolescent sur le magasin d’applications, les applications individuelles ne seraient pas obligées de collecter des informations d’identification potentiellement sensibles.
Cet appel intervient alors que la nouvelle vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée de la Souveraineté technologique, Sécurité et Démocratie, Henna Virkkunen, a qualifié la protection des mineurs de « priorité absolue ». L’appel a également rencontré un certain écho au Congrès des Etats-Unis, où deux sénateurs se sont emparés d’une proposition qui pourrait s’appuyer sur la solution proposée par Meta.
L’entreprise ajoute que des normes industrielles doivent être établies à l’échelle de l’Union européenne pour des expériences adaptées à l’âge des adolescents : « Les entreprises devraient s’aligner sur les types de contenus qu’elles considèrent comme adaptés à l’âge, comme c’est le cas pour d’autres médias tels que les films et les jeux vidéo. En outre, certaines applications, y compris les applications de réseaux sociaux, devraient offrir des outils de supervision pour les adolescents de moins de 16 ans que les parents peuvent activer et contrôler », explique Antigone Davis, semblant tester l’hypothèse d’une résurrection d’un projet suspendu six mois après son annonce en avril 2021 et visant à développer une version d’Instagram destinée aux enfants de moins de 13 ans.
En lien avec la lanceuse d’alerte Frances Haugen, le Wall Street Journal avait révélé dans « The Facebook Files » des documents internes à l’entreprise, à l’époque encore nommée Facebook, qui constatait et mesurait sa perte de terrain face à des applications concurrentes, telles que Snapchat et TikTok, étayée par des chiffres ciblant le nombre d’adolescents utilisant chaque jour l’application et des projections à deux ans de son ‘audience adolescente’. Selon ces recherches internes de Facebook, Instagram était potentiellement dangereux pour un pourcentage important de jeunes utilisateurs, y compris adolescents, s’agissant d’une mise en lumière de leur physique, de la représentation qu’ils se faisaient d’eux-mêmes, de leur personnalité et de leur image. Sur fond de polémique alors que l’entreprise balayait ces conclusions et suggérait en parallèle de créer Messenger Kids pour capter son audience en amont de l’adolescence, le projet Instagram Kids a été suspendu – et non pas arrêté – en octobre 2021. L’entreprise a depuis continué à travailler ses argumentaires sur la nécessité de créer des espaces numériques fiables pour les enfants, où les parents peuvent mieux surveiller leurs activités plutôt que de les empêcher totalement d’accéder en ligne – un argument qu’elle avançait déjà pour Instagram Kids.
Le 16 mai dernier, la Commission ouvrait une procédure formelle afin d’évaluer si Meta avait enfreint la législation sur les services numériques (DSA) dans des domaines liés à la protection des mineurs. Elle se fondait sur une analyse préliminaire du rapport d’évaluation des risques envoyé par Meta en septembre 2023, sur les réponses de Meta à ses demandes formelles d’informations (sur la protection des mineurs et la méthodologie de l’évaluation des risques), sur des rapports accessibles au public ainsi que sur sa propre analyse. Celle-ci se concentrait sur les les méthodes d’assurance et de vérification de l’âge mises en place par Meta et sur les systèmes de Facebook et d’Instagram, y compris leurs algorithmes, comme l’expliquait le commissaire Thierry Breton cité dans le communiqué de presse annonçant la procédure : « Nous allons maintenant étudier de manière approfondie les effets potentiellement addictifs et «trous de lapin» des plateformes, l’efficacité de leurs outils de vérification de l’âge et le niveau de protection de la vie privée des mineurs dans le fonctionnement des systèmes de recommandation. Nous ne ménageons aucun effort pour protéger nos enfants. » La sécurité des jeunes en ligne relève à présent en partie de la responsabilité du commissaire chargé des affaires intérieures, Magnus Brunner, et du commissaire chargé de la justice, Michael McGrath.
NUMERIQUE
Une loi australienne inédite pour interdire l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 16 ans
En lien avec notre article sur la proposition de Meta, notons également que le Parlement australien a récemment adopté une loi historique visant à interdire l’accès aux réseaux sociaux aux utilisateurs de moins de 16 ans, suscitant un débat intense entre partisans et détracteurs. Ce texte, soutenu par une large majorité des parlementaires, impose aux plateformes des obligations strictes pour empêcher l’inscription des plus jeunes. En cas de manquement, des amendes pouvant atteindre 50 millions de dollars australiens (environ 30,7 millions d’euros) seront appliquées.
C’est justement Meta qui a mené l’opposition des entreprises technologiques : l’entreprise, qui gère Facebook, Instagram et WhatsApp, a vivement critiqué la loi, estimant qu’elle ignore les recommandations des experts en santé mentale et en sécurité des jeunes. Selon l’entreprise, la réglementation est inefficace et inadaptée pour atteindre l’objectif de protection des mineurs. D’autres acteurs du numérique, comme Google et TikTok, ont également exprimé des préoccupations, pointant des incertitudes sur la mise en œuvre pratique de la loi et des risques de conséquences inattendues.
La commissaire australienne à l’e-sécurité, Julie Inman Grant, est chargée de superviser la mise en place d’un système de vérification d’âge, potentiellement basé sur des technologies biométriques ou des identifications gouvernementales. Ce mécanisme soulève toutefois des inquiétudes quant à la protection de la vie privée. Mme Inman Grant a cependant souligné que les entreprises technologiques disposent déjà de l’expertise nécessaire pour relever ce défi.
Cette initiative australienne s’inscrit dans la dynamique mondiale visant à réguler l’accès des mineurs aux plateformes numériques, l’apparente simplicité de la loi sera attentivement observée à Bruxelles et Washington DC alors que l’Union européenne et les États-Unis ont adopté des cadres moins restrictifs, mettant notamment l’accent sur la protection des données personnelles et la limitation du ciblage publicitaire des mineurs, mais jugés insuffisants au moment où une nouvelle Commission européenne prend ses fonctions et où une nouvelle administration Trump se prépare à en faire autant en janvier.
VIE INSTITUTIONNELLE UE
Commission ‘von der Leyen II’ : un vote de confirmation sous tensions
Mercredi 27 novembre, le Parlement européen a approuvé à Strasbourg la nouvelle Commission ‘von der Leyen II’ par 370 voix pour, 282 contre et 36 abstentions. Ce résultat, bien plus faible que celui obtenu par Ursula von der Leyen lors de sa réélection en juillet à la présidence de l’institution, illustre les tensions croissantes au sein de l’hémicycle. Il s’agit du score le plus faible obtenu par une Commission européenne depuis 1995.
Malgré une majorité théorique formée par les groupes PPE (chrétiens-démocrates), S&D (sociaux-démocrates) et Renew Europe (centre-droit), les défections reflétant des lignes nationales de fracture n’ont pas manqué : un total de 50 votes contre, dont les Espagnols du PPE, les Français et Belges du S&D, et de 26 abstentions, dont les Allemands du S&D et de Renew Europe. Pour compenser ces défections et atteindre la majorité, la Commission a bénéficié de 27 voix (sur 53) provenant du groupe des Verts/ALE et 33 (sur 78) du groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE), dont les 24 voix de la délégation italienne après l’attribution d’une des 6 vice-présidences exécutives de la Commission à M. Fitto, qui aura la charge de la Cohésion et des Réformes.
Ce résultat reflète l’étroitesse des alliances nécessaires pour consolider une majorité pro-européenne, pro-Ukraine et pro-État de droit. Il prouve que les démarches de la présidente élue, vers les groupes des Verts et des CRE ont été inspirées puisqu’elles lui apportent plus de voix qu’elles ne lui en ont fait perdre. Un point qui n’a pas échappé à Roberta Metsola, présidente PPE du Parlement européen, qui a voulu souligner après le vote que « La majorité au centre [tenait] bon » avant de toutefois se sentir obligé de préciser, à l’adresse de la présidente de la Commission : « Plusieurs majorités sont possibles, mais vous ne pourrez pas agir sans la majorité au centre. Ce travail d’alliance devra se faire texte législatif après texte législatif. »
Une mise en garde dont l’intéressée n’a eu de cesse de s’affranchir durant son premier mandat, en ne restant fidèle qu’à elle-même et en conservant intacte sa liberté, au-dessus du Collège des commissaires dont elle fait pourtant partie comme les 26 autres candidats, et à l’écart des groupes politiques auxquels elle n’a concédé au terme de ce long processus de confirmation que 2 ajustements identifiés de portefeuille :
- Pour satisfaire les groupes de gauche, la vice-présidente exécutive Roxana Mînzatu voit l’intitulé de son portefeuille lui attribuer la charge des « Droits sociaux et Compétences, Emplois de Qualité et Préparation » alors que la présidente lui avait confié la charge « des Personnes, des Compétences et de l’État de Préparation », la modification réalisée pour inclure les Droits sociaux et les Emplois de qualité ne changeant rien au périmètre de ses attributions ; et
- A la demande des groupes de gauche, des Verts et des libéraux-centristes de Renew Europe, le commissaire à la Santé et au Bien-être Animal, le Hongrois Olivér Várhelyi, se voit retirer la compétence sur les droits en matière de santé sexuelle et génésique et sur la préparation et la gestion des crises, y compris la supervision de l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA), qui sont tous transférées à la commissaire européenne à l’Égalité, la Belge Hadja Lahbib.
Dans son discours introductif, Ursula von der Leyen a présenté les grandes lignes de son programme, soulignant les priorités qui guideront le mandat de sa Commission. Elle a exprimé sa volonté de travailler « avec toutes les forces démocratiques pro-européennes » au Parlement européen pour répondre aux attentes des citoyens, mettant en avant trois axes prioritaires et leurs responsables au sein du futur Collège des commissaires :
- Compétitivité économique et innovation
Ursula von der Leyen a annoncé le lancement d’un « Competitiveness Compass » (une « boussole pour la compétitivité ») pour réduire le retard d’innovation de l’UE face à la Chine et aux États-Unis. « La souveraineté technologique de l’UE doit être bâtie en Europe », a-t-elle affirmé, ajoutant que des financements privés et un cadre réglementaire simplifié seraient mobilisés pour soutenir les start-ups européennes.
- Transition écologique
La présidente a réitéré son engagement envers le Pacte vert européen et a dévoilé le Clean Industrial Deal, qui sera présenté dans les 100 premiers jours de son mandat. « Nous devons et nous allons maintenir le cap et les objectifs du ‘Pacte vert européen’ », a-t-elle assuré. Elle a également annoncé un « dialogue stratégique » sur l’avenir de l’industrie automobile européenne, estimant que « des millions d’emplois dépendent » de ce secteur.
- Indépendance énergétique et sécurité des approvisionnements
Von der Leyen a insisté sur l’importance de renforcer la résilience de l’UE face aux crises en promettant une « revue systématique des dépendances » et en préparant des mesures pour faire face à la hausse de la demande en matériaux critiques, qui pourrait tripler au prochain mandat.
Elle a confié au Letton Valdis Dombrovskis la responsabilité d’un projet législatif visant à simplifier les textes européens. En matière de défense, le commissaire à ce nouveau portefeuille, le Lithuanien Andrius Kubilius, devra présenter dans les 100 premiers jours de son mandat un Livre blanc sur la base industrielle de défense européenne afin de poursuivre « aussi longtemps que nécessaire » le soutien militaire à l’Ukraine.
Enfin, la présidente a esquissé les contours du cadre financier pluriannuel post-2027 – le futur cadre budgétaire de l’UE fixé pour une période de 7 ans –, avec une volonté de simplifier les financements, sans exclure que cela passe par une réduction du nombre de programmes, et de renforcer la conditionnalité au respect de l’État de droit de l’octroi des fonds européens. Elle n’a pas répondu aux inquiétudes relevées pendant le débat à la suite de son intervention sur l’avenir de la politique de cohésion, qui permet de financer les aides régionalisées.
Réactions des groupes politiques : soutiens conditionnels ou critiques et oppositions rances ou tranchées ne feront pas date face à Madame ‘von der Leyen II’
Soutiens conditionnels : malgré un vote en faveur de la Commission, les groupes PPE, S&D et Renew Europe ont exprimé des réserves sur le contexte et les défis politiques entourant cette nouvelle équipe :
- Au nom du PPE, Manfred Weber a souligné l’engagement de son groupe envers l’Union européenne, déclarant : « Nous sommes au premier rang des défenseurs des convictions pro-européennes, pro-Ukraine et pro-État de droit. » Il a également mis en avant l’importance du compromis politique : « Nous avons des idées différentes, nous nous battons pour nos convictions, mais nous trouvons tous des compromis au service des Européens. Gardons cet état d’esprit (et) mettons-nous au travail. » Il a toutefois reconnu les tensions internes, évoquant des figures telles que Péter Magyar et Donald Tusk, qui luttent contre les extrémistes dans leurs pays respectifs.
- Du côté du S&D, la présidente Iratxe García Pérez a soutenu l’investiture tout en exprimant une mise en garde : « Ce n’est pas un chèque en blanc. Lorsque les forces européistes passent un accord, il doit être respecté. Nous n’accepterons pas de double jeu. » Elle a également dénoncé les alliances passées entre le PPE et des groupes conservateurs eurosceptiques qu’elle juge « immorales », notamment sur des questions de droits acquis et de lutte contre le changement climatique.
- Valérie Hayer, présidente de Renew Europe, a salué l’accord tripartite tout en critiquant la conduite du Partido Popular espagnol, qu’elle accuse d’avoir « vampirisé » le processus d’auditions en important des tensions politiques nationales au Parlement européen. Elle a insisté sur la nécessité d’une réforme des règles de nomination des commissaires, en particulier pour assurer une meilleure parité hommes-femmes, et a conclu en affirmant : « Il n’y a qu’une seule majorité possible, celle du Plan de relance européen, du Pacte vert européen, de Schengen, de l’euro. C’est la seule qui porte un agenda positif. »
Opposants résolus : les groupes situés aux extrêmes de l’hémicycle ont unanimement rejeté la Commission et son programme, adoptant des positions très critiques qui ont également mis en lumière les élus français d’extrême droite et gauche :
- Jordan Bardella, président du groupe PfE, a qualifié la nouvelle équipe de « technocrates anonymes, élus par personne, mais qui dictent le quotidien de 450 millions de citoyens et ont droit de vie ou de mort sur des pans entiers de l’économie. » Il a raillé Ursula von der Leyen comme « une femme qui se disait de droite, mais qui rêvait de se faire aduler par la gauche. »
- Sarah Knafo, du groupe ENS, a dénoncé un manque de légitimité démocratique : « Vous gagnerez cette élection, mais vous perdrez tout le reste ! » Elle a pointé une rupture entre les citoyens européens et leurs institutions dans son discours.
- Manon Aubry, coprésidente du groupe La Gauche, a critiqué ce qu’elle considère comme une dérive idéologique : « Ce gouvernement est le premier de l’union de la droite et de l’extrême droite dans l’histoire de l’UE. Toutes les lignes rouges ont été piétinées. » Elle a particulièrement dénoncé les nominations de Raffaele Fitto, qu’elle qualifie de « post-fasciste » et de Wopke Hoekstra, ancien cadre de Shell impliqué dans des sociétés offshore.
Critiques mesurées des groupes Verts et CRE :
- Le groupe Verts/ALE, bien qu’ayant apporté 27 voix favorables, s’est montré divisé. Terry Reintke, eurodéputée allemande, a regretté les compromis qui, selon elle, ont affaibli la majorité pro-européenne : « Ce n’est qu’avec une majorité pro-européenne au centre que cela peut fonctionner. Or, la chance de construire cette majorité a été ratée, et la coopération avec l’extrême droite semble, malheureusement, d’actualité. »
- Nicola Procaccini, du groupe CRE, a quant à lui salué « le courage et la dignité » d’Ursula von der Leyen face aux pressions politiques exercées par la gauche. Il a déclaré que « la majorité de centre gauche n’existe pas au Parlement européen », soulignant la nécessité d’une approche pragmatique.
Ce n’est pas tant le résultat du vote qui détonne par rapport à ces interventions que les maigres concessions obtenues par le Parlement européen à la suite de son évaluation des compétences, de l’indépendance et de l’engagement européen des 26 candidats désignés pour former le Collège des commissaires sous la présidence d’Ursula von der Leyen. Alors qu’au soir des auditions des vice-présidents exécutifs, le chemin vers l’approbation s’annonçait long et difficile, force est de constater que les deux changements à peine perceptibles dans les portefeuilles des 3 ou 4 candidats directement ou indirectement concernés semblent bien dérisoire par rapport au temps passé sur ces auditions et évaluations.
Après le vote de confirmation, Ursula von der Leyen s’est quand-même félicitée, contrairement à ses habitudes, de ce succès dans une déclaration aux côtés de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, résumant d’une traite tout ce qui s’était passé, c’est-à-dire rien d’autre que ce qu’elle souhaitait : « C’est pourquoi je suis très heureuse de pouvoir compter sur une équipe forte et expérimentée. Tous les membres du collège ont fait la preuve de leurs compétences, de leur motivation et de leur engagement à l’égard de l’Union européenne dans le cadre du processus d’audition. Cela a été reconnu et tous ont franchi cette étape. Et c’est une bonne chose. Parce que j’ai pleinement confiance dans leur capacité à atteindre nos objectifs, non seulement en tant qu’individus, mais aussi en tant qu’équipe. » A-t-elle assisté aux mêmes auditions que nous ? On en douterait à l’écouter mais elle n’en retient finalement que la conclusion.
Elle ira même plus loin dans sa pourtant courte déclaration, en actant d’une autre traite ce qui a fait beaucoup parler en dehors du Parlement européen et trop peu dans les auditions, alors que le sujet pourrait réapparaitre quand il faudra décider les commissions parlementaires compétentes pour examiner les prochaines propositions législatives de cette nouvelle Commission européenne : « Je me réjouis également que la structure du collège ait été approuvée par le Parlement européen. Je voulais une équipe capable de coopérer par-delà les divers cloisonnements. Parce que les défis de notre époque sont tous étroitement liés. C’est le cas de la démocratie et de la souveraineté technologique, par exemple, ou de la compétitivité et de l’équité, ou encore de l’innovation et de la décarbonation. La coopération à tous les niveaux est donc de la plus haute importance. La structure du nouveau collège permettra un travail d’équipe efficace et des solutions transversales. » Au sein de la Commission, on le lui souhaite. Avec le Parlement ? Cela risque d’être un peu moins intuitif, le découpage des portefeuilles correspondant rarement à celui des compétences des commissions parlementaires.
C’est donc en deux minutes d’intervention qu’Ursula von der Leyen a mis fin à ce qui a ressemblé, à l’entendre, à une voie toute tracée : elle avait commencé le lendemain du résultat des élections européennes, quand les Chefs d’État et de gouvernement la prièrent de quitter la table du dîner auquel ils l’avaient invitée pour annoncer la distribution des « top jobs » de l’UE dès le 10 juin au soir. L’attente qui devait durer quelques minutes -le temps de valider les noms qui circulaient déjà partout- s’était transformée en heures, une éternité devant une porte close derrière laquelle se discute votre avenir… Un long dîner pour rien puisqu’il s’était achevé dans l’impasse et l’incompréhension générale : pourquoi s’être réunis si vite devant l’Europe entière si c’était pour annoncer un échec ? Le temps de quelques arrangements entre partis politiques et elle obtint sa nomination avec Kaja Kallas et Antonio Costa, au terme d’un faux suspense qui avait davantage ressemblé à une perte de temps qu’à une impérieuse nécessité.
Ce faux départ au Conseil européen avait incité les chefs des groupes politiques du Parlement européen à resserrer le calendrier des auditions, pour ne pas donner cette même image de la politique politicienne qui impose son rythme à tout un exécutif en transition.
Las, ils ne sont eux non plus pas passés loin du pilori, après la journée des auditions des six vice-présidents exécutifs désignés, qui s’était terminée par la décision de piétiner la pratique de sceller une lettre d’évaluation à l’issue de l’audition de chaque candidat pour lui préférer une négociation globale aux allures de grande braderie durant une réunion de la conférence des présidents, un organe inconnu du grand public, aux débats à huis-clos. La catastrophe fut évitée de justesse en se rattrapant à un accord de plateforme entre groupes politiques de la majorité parlementaire au centre de l’échiquier politique, dont le contenu ne fera pas plus date que le spectacle donné durant certaines auditions du 12 novembre.
La présidente de la Commission européenne s’en est accommodée et a laissé faire, sans manifester ni impatience ni agacement devant ces atermoiements et ce spectacle mal-répété au Parlement européen : impassible, elle est restée au-dessus de la mêlée et même l’approbation serrée de la composition de son équipe ce 27 novembre ne semble pas avoir terni un parcours effectué avec autant de discrétion que de résolution, dont elle aura surmonté méthodiquement et sans sourciller tous les obstacles, jusqu’à en sortir vainqueur à la date du scénario de renouvellement le plus optimiste – et ils n’ont pas été nombreux à l’être depuis le 9 juin !
Et elle avait sans doute lu Maurice Barrès puisqu’elle eut le triomphe modeste en concluant sa conférence de presse, s’adressant à la présidente du Parlement européen à ses côtés comme si elle lui avait tout dû : « Chère Roberta, je me réjouis à la perspective de cinq années de coopération constructive avec le Parlement européen – qui commencent dès à présent. (…) Et je sais que je peux compter sur vous, Roberta. Je vous remercie encore. »
Le Conseil approuve l’accord avec le Parlement européen sur le budget annuel de l’UE pour 2025
Le 12 juillet 2024, la Commission adoptait son projet de budget initial pour 2025 et fixait le total des engagements à 193 milliards d’euros et le total des paiements à 147 milliards d’euros. Sans surprise, le Conseil prenait position en dessous de cette proposition alors que le Parlement européen situait la sienne légèrement au-dessus. Il a donc fallu convoquer un comité de conciliation pour permettre aux deux colégislateurs, qui forment aussi les deux branches de l’autorité budgétaire, de s’entendre.
C’est cet accord, trouvé le 16 novembre dernier, que le Conseil a approuvé à la majorité qualifiée, ce qui permettra au Parlement européen de le voter à son tour lors de sa session plénière des 16 au 19 décembre, ce qui vaudra adoption définitive du budget dans les délais pour assurer la continuité de fonctionnement de l’UE après cette année électorale et de transition dans les institutions.
Le montant total des engagements (promesses juridiquement contraignantes de dépenses) est fixé à 192 768,6 millions d’euros, plus près de la position initiale du Conseil, tandis que le montant total des paiements (les dépenses qui découlent de l’exécution des engagements inscrits au budget de l’UE de l’exercice en cours ou des exercices antérieurs) s’établit à 149 615,7 millions d’euros, plus proche de la position du Parlement européen.
Un montant de 800,5 millions d’euros a été laissé disponible afin de permettre à l’UE de répondre à des besoins imprévus, ce dont s’est félicité Péter Banai, secrétaire d’État hongrois et négociateur en chef du Conseil pour le budget 2025 de l’UE : « Le budget de l’année prochaine nous permettra de nous concentrer sur les domaines prioritaires de l’UE, tout en garantissant une approche prudente et réaliste des dépenses de l’argent des contribuables. Nous avons conservé une marge financière suffisante pour faire face à des circonstances imprévues, compte tenu du contexte économique et géopolitique actuel. »
Il s’agit du cinquième budget annuel au titre du budget à long terme de l’UE, le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Le budget 2025 est complété par les crédits de « Next Generation EU », le plan de relance de l’UE pour surmonter les conséquences de la pandémie de COVID-19 : ces crédits ne sont pas comptabilisés dans le budget annuel puisqu’ils ont été décidés en dehors du CFP 2021-2027, le plan de relance étant financé par l’emprunt et des instruments spéciaux.
En bref :
- L’ancien eurodéputé écologiste belge Philippe Lamberts rejoint l’équipe de Mme von der Leyen – La Commission européenne a confirmé dans un communiqué qu’il sera conseiller pour la neutralité climatique, chargé notamment d’assurer un dialogue avec les parties prenantes, de soutenir la transition vers une économie décarbonée dans la perspective de l’objectif 2030 et de la trajectoire pour atteindre l’objectif 2050. Il travaillera en étroite collaboration avec la présidente et son cabinet, ainsi qu’avec les membres du collège et les directions générales concernés. Il sera assisté d’une petite équipe d’experts, sans que plus de détails n’aient été donnés à ce sujet.
M. Lamberts, 61 ans, responsable d’entreprise, a été coprésident du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen pendant dix ans. La présidente, citée dans le communiqué, le voit en « bâtisseur de ponts digne de confiance entre toutes les parties prenantes tenues de progresser sur la voie de la neutralité climatique » et explique son choix de manière très claire : « La coopération avec le groupe des Verts/ALE a été constructive (…) et ils ont joué un rôle important dans l’obtention d’une majorité pro-européenne lors de ma réélection en tant que présidente de la Commission en juillet. Pour moi, le groupe des Verts/ALE fait partie de la majorité pro-européenne au Parlement européen avec laquelle je veux continuer à travailler, par exemple sur des sujets tels que la réalisation de nos objectifs climatiques, le pacte pour une industrie propre, la simplification administrative et l’engagement mondial. »
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