Les news qui ont fait l’actu
Dans le cadre du partenariat entre l’IDFRights et SKEMA Business School, voici un aperçu de notre actualité vue par des étudiants du Master de management & droit des affaires de Skema.
Semaine du 15 au 19 novembre 2021
Rédigée par Lyes Bendou, Alexandre Cusanno, Mathilde de Biasi, Léa Dupont, Vincent Kerharou, Louis Poulain, Emmy Paret, Manon Roy, Oriane Serrot , Alexis Spagnolo, Emma Walter, Mélanie Welisarage, étudiants de Master 1 Management & Droit des affaires SKEMA/ULCO, sous la direction de Mme Isabelle Bufflier et M. Frédéric Munier, professeurs SKEMA BS
Lyes Bendou
Alexandre Cusanno
Mathilde De Biasi
Léa Dupont
Vincent Kerharou
Louis Poulain
Emmy Paret
Manon Roy
Oriane Serrot
Alexis Spagnolo
Emma Walter
Mélanie Welisarage
La ville de Vienne, première au monde à obtenir le label de certification éthique IEEE AI Ethics
Le guide de la CNIL pour accompagner le délégué à la protection des données
Les Eurodéputés trouvent un accord sur le Digital Markets Act
Amazon : une enquête du magazine Wired dévoile des atteintes marquées aux données personnelles et à la vie privée de ses clients
La CNIL propose un nouveau référentiel relatif aux entrepôts de données de santé
L’Assemblée Nationale donne un premier feu vert unanime à un soutien accru aux lanceurs d’alerte
Trois autorités européennes lancent une enquête sur Vinted, soupçonné de violer le RGPD
Google et l’AFP s’accordent sur les droits voisins ce mercredi 17 novembre
Le 17 novembre 2021, Google et l’AFP ont signé un accord, fruit de longues négociations sur les droits voisins, ces derniers permettant aux agences, ainsi qu’aux éditeurs de journaux et magazines, de se faire rémunérer par les grandes entreprises réutilisant leurs contenus sur Internet. Ces droits ont été institués pour les plates-formes en ligne par l’article 15 de la directive européenne sur le droit d’auteur, adoptée en mars 2019 par le Parlement européen, après plus de deux ans de débats nourris. L’enjeu de cet accord est important : il permettra en effet à l’AFP de se faire rémunérer par Google dès que ce géant du web utilisera ses contenus, et ce, durant une période de 5 ans d’après les termes de l’accord.
Pourquoi cette actu ? Cet accord a un caractère historique : en effet, il s’agit du premier partenariat conclu par une agence de presse au titre des « droits voisins » du droit d’auteur. Qui plus est, l’importance de cet accord est proportionnelle aux tensions que ce sujet faisait peser jusqu’à alors entre l’AFP et Google. En effet, plus tôt dans l’année 2021, un contentieux concernant les droits voisins avait abouti à une condamnation de Google à une amende de 500 millions d’euros par l’Autorité française de la concurrence qui avait lié cette problématique à un abus de position dominante. Cette actualité survient également après la mise en place fin octobre de la société des droits voisins de la presse qui va sans doute impulser une nouvelle régulation et un meilleur respect par les géants du numérique des droits voisins.
Focus de la semaine
Données personnelles : WhatsApp fait appel devant la CJUE de l’amende de 225 millions d’euros
En décembre 2018, une enquête avait été ouverte à l’encontre de Whatsapp, filiale de Facebook, par la Data Protection Commission (DPC), l’équivalent irlandais de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Le partage des informations entre WhatsApp et Facebook était en particulier dans le viseur de l’autorité irlandaise. A l’issue de cette enquête, le DPC, n’étant pas réputé des plus efficaces dans sa lutte pour protéger les données personnelles des citoyens irlandais, avait envisagé de prononcer une sanction de 50 millions d’euros. Le 24 décembre 2020, conformément à l’article 60 du RGPD, le DPC irlandais partageait son projet de décision avec les autres autorités européennes concernées. Ces dernières ont alors estimé que la sanction envisagée n’était pas suffisamment élevée, au regard de la gravité des violations du RGPD constatés et ont proposé une modification des sanctions. Le DPC refusant de se conformer à cette demande, a saisi le Comité européen de protection des données (EDPB) conformément à l’article 65 du RGPD, initiant ainsi la procédure de règlement des litiges. Le Comité, tenant compte dans la fixation de la sanction du chiffre d’affaires consolidé de la société mère de Whatsapp, a donc tranché en juillet 2021 en faveur de la position d’autorités européennes en se prononçant pour une une sanction de 225 millions d’euros. Le DPC entérina la sanction et condamna Whatsapp à verser ce montant. Elle a ainsi estimé que la filiale de Facebook ne traitait pas les données personnelles de ses utilisateurs de « manière licite, loyale et transparente » et qu’elle n’avait pas fourni d’informations sur la manière avec laquelle les données sont collectées, stockées et transférées à des tiers. En novembre 2021, Whatsapp a décidé de saisir la CJUE non seulement contre la décision de la DPC mais également contre celle du Comité européen de protection des données, en invoquant que cette condamnation était inconstitutionnelle et contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier au droit à un procès équitable.
Pourquoi ce focus ? Les mises en accusation sur le fondement du RGPD des géants du numérique se multiplient et en particulier autour du groupe Facebook, dont Whatsapp est une filiale emblématique. Il est intéressant de remarquer que dans toutes les étapes de la procédure suivie, la norme européenne qu’est le RGPD et les autorités de contrôle qui la mettent en œuvre ont remarquablement fonctionné, tant à l’égard de l’entreprise incriminée que de l’autorité de contrôle irlandaise, dont les défaillances ont été régulièrement soulignées. Les décisions rendues manifestent ainsi le soft power de la puissance normative européenne capable d’ébranler quelque peu l’assurance des Big techs et de réaffirmer la primauté de la personne humaine comme valeur essentielle du Vieux continent. La décision relative au recours devant la CJUE, droit également fondamental de Whatsapp, sera certainement passionnante à découvrir.
Le point de vue enseignants
Par Isabelle Bufflier, responsable du Master Management & Droit européen des affaires SKEMA/ULCO, sous l’œil éclairé et bienveillant de Frédéric Munier, professeur de géopolitique, SKEMA
Le 18 novembre 2021, le Comité européen de protection des données (EDPB) a publié de nouvelles lignes directrices 5/2021 relatives aux transferts internationaux de données vers des pays tiers ou des organisations internationales, en particulier l’interaction entre l’article 3, qui détermine le champ d’application du RGPD et son Chapitre V, qui s’intéresse davantage aux transferts de données internationaux hors UE. Ces lignes directrices étaient particulièrement attendues, après l’invalidation du Privacy Shield par la CJUE dans un arrêt Schrems II en date du 16 juillet 2020. Le Comité a ouvert comme à l’accoutumée une consultation publique sur ce sujet jusqu’au 31 janvier 2022.
Retour sur le rôle du Comité, sur les dispositions du RGPD concernées et les apports de ces nouvelles lignes directrices.
Le rôle du Comité européen de protection des données
Ce Comité, mis en place en 2018, a pris le relais du G29. Il s’agit d’un organe européen indépendant,qui contribue à l’application cohérente des règles en matière de protection des données (RGPD) au sein de l’Union européenne et encourage la coopération entre les autorités de l’UE chargées de la protection des données. Il est composé des représentants des autorités nationales chargés de la protection des données et du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD). Peuvent participer à ses travaux et activités, mais sans droit de vote, les représentants des autorités de la Norvège, de l’Islande et du Lichtenstein ainsi que la Commission européenne. Parmi ses missions, il est chargé d’adopter des documents d’orientations générales, à travers notamment de lignes directrices, comme celles que nous commentons ici, des recommandations et des règles de bonnes pratiques afin de clarifier les dispositions des actes législatifs européens en matière de protection des données et, de cette manière, fournir aux acteurs concernés une interprétation cohérente de leurs droits et obligations. Le RGPD étant parfois obscur ou silencieux sur de nombreux points, l’éclairage du Comité est donc particulièrement bienvenu, surtout sur la question complexe de l’application du RGPD en matière de transferts internationaux de données personnelles par les responsables de traitement et/ou les sous-traitants soumis au RGPD en fonction de son article 3. Précisons enfin que le Comité est une vigie essentielle et l’a amplement démontré, notamment lors la procédure menée contre Whatsapp par l’autorité de contrôle irlandaise.
L’articulation entre l’article 3 et le chapitre V du RGPD
L’article 3 (Chap.I) du RGPD précise que ce dernier s’applique aux organisations publiques ou privées traitant des données personnelles (responsables du traitement ou sous-traitants) pour leur compte ou non soit parce qu’elles sont établies sur le territoire de l’UE soit parce que, non établies dans l’UE, elles ciblent des résidents européens. Lorsque ces organisations souhaitent transférer des données personnelles vers un pays hors UE ou une organisation internationale, donc a priori hors du champ d’application territorial du RGPD, plusieurs autres dispositions du RGPD entrent en application. Ainsi son article 13 (f) oblige le responsable du traitement de ces données à informer les personnes physiques de son intention d’effectuer des transferts vers un pays tiers à l’UE.
Les articles 44 à 50 (Chap.5) énoncent ensuite plusieurs solutions permettant de contrôler que les pays tiers, vers qui sont transférées des données personnelles, bénéficient d’un « niveau de protection adéquat » garantissant, outre le respect des règles d’accès et de traitement des données personnelles, que le respect de l’État de droit et des conventions internationales relatives aux droits humains et notamment à la vie privée, sont équivalents entre l’UE et ces pays.
Parmi ces solutions, la première, visée à l’article 45, est la décision dite « d’adéquation » que peut prendre la Commission européenne après avoir effectué cette vérification. Dans un tel cas, le transfert est simplifié, car déjà contrôlé, et n’est donc soumis à aucune autre contrainte spécifique. Le site de la Commission permet de consulter les pays qui ont pu bénéficier pour l’instant d’une telle décision : Andorre, l’Argentine, le Canada, les Îles Féroé, Guernesey, Israël, l’Île de Man, le Japon, Jersey, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, le Royaume-Uni et l’Uruguay. Les États-Unis avaient bénéficié de telles décisions d’adéquation qui ont été invalidés par la CJUE dans les deux arrêts Schrems I et Schrems II.
Si un responsable de traitement de données personnelles souhaite transférer des données vers un pays tiers à l’UE n’ayant pas bénéficié d’une telle décision d’adéquation, il peut suivre l’article 46 du RGPD qui prévoit un certain nombre de mécanismes alternatifs permettant de garantir un niveau de protection réputé satisfaisant, soit de plein droit, soit via une décision d’une autorité de contrôle nationale compétente comparable à la CNIL.
Parmi ces mécanismes figurent les règles d’entreprise contraignantes, ou « binding corporate rules » (« BCR ») visées à l’article 46.1 b° et dont le fonctionnement est spécifiquement décrit à l’article 47. Pour être efficaces, ces règles doivent nécessairement être déclarées et approuvées par les autorités de contrôle compétentes de l’Union européenne, similaires à notre CNIL française et respecter les exigences fixées à l’article 47.2 du RGPD. Ces règles sont souvent utilisées pour effectuer un transfert au sein d’un même groupe de sociétés. En France, cela a été notamment le cas des entreprises comme Axa Private Equity, Bristol Myers Squibb, General Electric, ou bien encore Hermès, LVMH ou Novartis.
Autre possibilité prévue par le RGPD : les entreprises peuvent également subordonner les transferts de données vers des pays tiers au respect de clauses contractuelles types, modèles de contrats de transfert adoptés par la Commission européenne. Ces clauses ont été mises à jour le 4 juin 2021 à la suite de l’arrêt Schrems II. La CJUE a précisé que si le niveau d’exigence ne peut pas être respecté, les entreprises doivent prévoir des mesures supplémentaires pour garantir un niveau de protection essentiellement équivalent à celui prévu dans l’UE, et elles doivent s’assurer que la législation du pays tiers n’empiétera pas sur ces mesures supplémentaires de manière à les priver d’effectivité.
Le contenu des nouvelles lignes directrices du Comité
Ces lignes directrices, qui viennent d’être publiées par le Comité, ont vocation à préciser l’interaction entre l’article 3 et le Chapitre V du RGPD. Le Comité a pris soin de donner pas moins de sept exemples pour l’expliquer. Elles soulignent ainsi que les responsables de traitement et les sous-traitants, qui ne sont pas établis dans l’UE, peuvent être soumis au RGPD en vertu de l’article 3 pour un traitement donné et, par conséquent, doivent se conformer au chapitre V lorsqu’ils transfèrent des données à caractère personnel vers un pays tiers ou vers une organisation internationale.
Il faut souligner que si ces nouvelles lignes directrices s’inscrivent dans un contexte d’invalidation des déclarations d’adéquation des États-Unis (Safe Harbor et Privacy Shield), elles ont un spectre beaucoup plus large et peuvent concerner non seulement des transferts de données vers les États-Unis mais aussi vers tout pays tiers ou organisation internationale autre. Elles précisent qu’elles encadrent le fait pour un responsable de traitement ou un sous-traitant (exportateur) soumis au RGPD de transférer des données à un responsable de traitement ou un sous-traitant (importateur) non soumis au RGPD.
Ces lignes directrices pourront être complétées plus tard, à la suite d’une consultation publique ouverte par le Comité jusqu’à 31 janvier 2022.
Le 19 novembre, le Comité a par ailleurs effectué, en complément de ces lignes directrices, une déclaration sur le paquet de services numériques (projet sur la gouvernance des données (DGA), projet sur les services numériques (DSA), projet sur les marchés numériques (DMA) et le projet de règlement sur l’IA (AIR)) ainsi que sur la stratégie en matière de données. Le Comité y réitère notamment son appel à l’interdiction de toute utilisation de l’IA pour la reconnaissance faciale automatisée dans les espaces accessibles au public et demande instamment au législateur d’envisager une élimination progressive de la publicité ciblée sur la base d’un suivi omniprésent, ainsi que l’interdiction globale du profilage des enfants.