17 janvier 2022
Après le vote décevant sur le DSA (Digital Service Act) en commission IMCO, le vote en plénière au Parlement européen lors de la session de janvier 2022 s’annonce crucial pour tout un pan de l’économie numérique, créative et commerciale européenne.
A l’issue de négociations houleuses dont toutes les commissions associées ont été minutieusement écartées, la Commission IMCO a assumé clairement son parti pris en faveur des plateformes.
Il n’est que de voir combien leurs lobbyistes bruxellois se félicitent de ce résultat pour s’en convaincre. Le texte ainsi voté est en totale contradiction avec la volonté affichée par la Commission européenne et le Conseil européen de faire de ce règlement un instrument capable de réguler les contenus illégaux circulant sur les plateformes.
L’article 14 – 3a tout particulièrement qui traite du retrait rapide des contenus illégaux, est l’article fondateur, celui qui, à lui seul, donne tout son sens à ce règlement. Cet article a été détourné de son objet et amendé de telle sorte qu’il maintient en fait, l’accessibilité en ligne des contenus illégaux alors même qu’ils ont été signalés et notifiés de manière adéquate, et ce, pendant tout le temps de l’examen de sa légalité…. C’est exactement l’inverse de l’objectif recherché par la proposition initiale sensée protéger les consommateurs et les ayants droit face à la prolifération de contenus illicites, malveillants ou contrefaits. Cette rédaction est même une régression par rapport à la Directive e-commerce de 2000. La position prise par la Commission IMCO est d’autant plus incompréhensible qu’elle donne l’avantage à ceux-là mêmes que le projet de règlement initial voulait encadrer. Ainsi, les moteurs de recherches tels que Google, les services de streaming comme You Tube, ou encore les messageries type WhatsApp ne seront pas impactées par le Règlement. La Commission européenne et le Commissaire Breton ont pourtant martelé à plusieurs reprises, que ce texte avait vocation à renforcer la directive e-commerce en responsabilisant ces géants du numérique que la Commission IMCO du Parlement européen vient d’exempter de toute obligation…
La rédaction de cet article 14 doit être précise et transversale or il est dans sa présentation actuelle une source d’insécurité juridique dont les conséquences seront graves pour l’ensemble des utilisateurs puisqu’elle va renforcer le rôle de modérateur des plateformes. On ne peut pas se contenter de la formulation de l’article 24 b qui demande aux plateformes de veiller au retrait dans les meilleurs délais de tout contenu pédopornographique. Ce futur règlement vise la lutte contre les contenus illicites, il doit couvrir toutes ses formes au nom du principe de précaution. Il n’est pas acceptable que dans le projet de rapport de Mme SCHALDEMOSE les contenus qui exposent nos citoyens européens à la diffamation, aux menaces ou la haine puissent rester en ligne, jusqu’à ce qu’une instance judiciaire ou administrative tranche la question de la pertinence leur retrait. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, tout n’est pas admissible nom de la liberté d’expression car il n’y a de liberté que si elle est assortie de la responsabilité.
Il ne faut pas oublier que Le Digital Services Act (DSA) a été conçu pour réguler le fonctionnement des plateformes et l’encadrement de leurs processus de contrôle des contenus et ceci afin de réduire les risques qu’elles induisent pour les utilisateurs. Il est donc très important en ce sens de soutenir l’amendement à l’article 14§6 qui demande la mise en place d’un « notice and stay down » afin que des mesures indispensables soient imposer pour éviter qu’un contenu illicite ne réapparaisse sur le service d’une plateforme.
Comme l’a affirmé à plusieurs reprises le Commissaire Thierry Breton, l’Institut des Droits fondamentaux du Numérique (iDFrights) plaide pour que « Ce qui est interdit hors ligne le soit également en ligne ». Si l’on veut préserver l’intégrité du marché européen, protéger ses citoyens et leur offrir un environnement en ligne sécurisé et transparent, l’espace numérique doit être contrôlé.
Si l’on considère que la directive e-commerce ne peut plus anticiper de façon efficace la régulation des plateformes et que l’Europe doit se prémunir contre les pratiques anticoncurrentielles des géants du net, alors il faut IMPERATIVEMENT donner au DSA l’opportunité de mettre en œuvre les mesures fortes qu’il laissait présager, en imposant des dispositions juridiques claires à l’ensemble des acteurs dominant le marché du numérique.
Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à mon message et qu’il vous sera utile lors de votre prise de position lors du vote.
Jean-Marie CAVADA
Jean-Marie CAVADA, Député européen de 2004 à 2019, ancien Président de Radio France et de Réseau France Outremer, créateur de France 5. Président du Mouvement Européen France de 2012 à 2016.
Au Parlement européen, Jean-Marie CAVADA a successivement occupé les fonctions de Président de la Commission des Libertés civiles, justice et Affaires intérieures, de Président du groupe de travail sur les droits d’auteur et la propriété intellectuelle, de Vice-président de la Commission des Affaires juridiques, et Président de l’intergroupe Média.
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Initiative de juristes, chercheurs, universitaires, ONG, acteurs de l’écosystème numérique et personnalités publiques, l’Institut des Droits Fondamentaux Numériques est né de cette importance et de l’urgence d’une réelle gouvernance des données, protectrice à la fois des droits des individus (citoyens, consommateurs), et de ceux des entreprises et organisations.
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