13 janvier 2022
La Société des Droits Voisins de la Presse (DVP) salue les recommandations formulées par la mission d’information sur l’application du droit voisin au bénéficie des agences et éditeurs de presse qui vient de rendre son rapport.
Elle remercie vivement la Présidente de cette mission, Madame la députée Virginie Duby-Muller, et son rapporteur, Monsieur le député Laurent Garcia, ainsi que les membres de la mission, pour la pertinence de leur diagnostic sur l’absence d’effectivité de ce nouveau droit voisin deux ans après son intégration dans notre législation interne.
Ce rapport souligne à juste titre l’opacité pratiquée par certaines plateformes en ligne qui empêche la négociation libre et éclairée des éditeurs et agences de presse dans l’évaluation de la rémunération qui leur est due.
Comme le relève ce rapport, au-delà du principe d’équité, la mise en œuvre de ce nouveau droit voisin représente un véritable enjeu démocratique dans un monde où les contenus protégés sont exploités sans rémunération par des plateformes numériques en situation de quasi-monopole.
Par ailleurs, ce rapport souligne les mérites de la gestion collective qui constitue le seul moyen de nature à corriger l’asymétrie entre les plateformes monopolistiques et les titulaires du droit voisin et permettre un traitement équitable entre ces derniers.
Ainsi que le rappelle le Président de DVP, Monsieur Jean-Marie Cavada « Notre organisme de gestion collective n’est pas une fin en soi : le but c’est le juste partage des richesses entre les plateformes et nous, puis l’équité et la transparence dans la gestion et la répartition. »
DVP a été créé le 26 octobre 2021 par 74 éditeurs et agences de presse pour gérer le nouveau droit voisin qui a été consacré par la Directive européenne du 17 avril 2019, transposée en France par la loi du 24 juillet 2019, au bénéfice des éditeurs et agences de presse. DVP est une société civile à but non lucratif : elle regroupe les droits voisins attachés aux contenus produits par ses membres, les éditeurs et agences de presse, afin de négocier la meilleure rémunération possible auprès des services de communication au public en ligne qui utilisent ces contenus.
Sans tarder, DVP va, au nom de ces membres prendre contact avec plusieurs services de communication au public en ligne identifiés comme redevable du droit voisin afin d’entamer des négociations devant permettre la juste rémunération des éditeurs et agences de presse pour l’exploitation faites de leurs contenus.
Après le vote décevant sur le DSA (Digital Service Act) en commission IMCO, le vote en plénière au Parlement européen lors de la session de janvier 2022 s’annonce crucial pour tout un pan de l’économie numérique, créative et commerciale européenne.
A l’issue de négociations houleuses dont toutes les commissions associées ont été minutieusement écartées, la Commission IMCO a assumé clairement son parti pris en faveur des plateformes.
Il n’est que de voir combien leurs lobbyistes bruxellois se félicitent de ce résultat pour s’en convaincre. Le texte ainsi voté est en totale contradiction avec la volonté affichée par la Commission européenne et le Conseil européen de faire de ce règlement un instrument capable de réguler les contenus illégaux circulant sur les plateformes.
L’article 14 – 3a tout particulièrement qui traite du retrait rapide des contenus illégaux, est l’article fondateur, celui qui, à lui seul, donne tout son sens à ce règlement. Cet article a été détourné de son objet et amendé de telle sorte qu’il maintient en fait, l’accessibilité en ligne des contenus illégaux alors même qu’ils ont été signalés et notifiés de manière adéquate, et ce, pendant tout le temps de l’examen de sa légalité…. C’est exactement l’inverse de l’objectif recherché par la proposition initiale sensée protéger les consommateurs et les ayants droit face à la prolifération de contenus illicites, malveillants ou contrefaits. Cette rédaction est même une régression par rapport à la Directive e-commerce de 2000. La position prise par la Commission IMCO est d’autant plus incompréhensible qu’elle donne l’avantage à ceux-là mêmes que le projet de règlement initial voulait encadrer. Ainsi, les moteurs de recherches tels que Google, les services de streaming comme You Tube, ou encore les messageries type WhatsApp ne seront pas impactées par le Règlement. La Commission européenne et le Commissaire Breton ont pourtant martelé à plusieurs reprises, que ce texte avait vocation à renforcer la directive e-commerce en responsabilisant ces géants du numérique que la Commission IMCO du Parlement européen vient d’exempter de toute obligation…
La rédaction de cet article 14 doit être précise et transversale or il est dans sa présentation actuelle une source d’insécurité juridique dont les conséquences seront graves pour l’ensemble des utilisateurs puisqu’elle va renforcer le rôle de modérateur des plateformes. On ne peut pas se contenter de la formulation de l’article 24 b qui demande aux plateformes de veiller au retrait dans les meilleurs délais de tout contenu pédopornographique. Ce futur règlement vise la lutte contre les contenus illicites, il doit couvrir toutes ses formes au nom du principe de précaution. Il n’est pas acceptable que dans le projet de rapport de Mme SCHALDEMOSE les contenus qui exposent nos citoyens européens à la diffamation, aux menaces ou la haine puissent rester en ligne, jusqu’à ce qu’une instance judiciaire ou administrative tranche la question de la pertinence leur retrait. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, tout n’est pas admissible nom de la liberté d’expression car il n’y a de liberté que si elle est assortie de la responsabilité.
Il ne faut pas oublier que Le Digital Services Act (DSA) a été conçu pour réguler le fonctionnement des plateformes et l’encadrement de leurs processus de contrôle des contenus et ceci afin de réduire les risques qu’elles induisent pour les utilisateurs. Il est donc très important en ce sens de soutenir l’amendement à l’article 14§6 qui demande la mise en place d’un « notice and stay down » afin que des mesures indispensables soient imposer pour éviter qu’un contenu illicite ne réapparaisse sur le service d’une plateforme.
Comme l’a affirmé à plusieurs reprises le Commissaire Thierry Breton, l’Institut des Droits fondamentaux du Numérique (iDFrights) plaide pour que « Ce qui est interdit hors ligne le soit également en ligne ». Si l’on veut préserver l’intégrité du marché européen, protéger ses citoyens et leur offrir un environnement en ligne sécurisé et transparent, l’espace numérique doit être contrôlé.
Si l’on considère que la directive e-commerce ne peut plus anticiper de façon efficace la régulation des plateformes et que l’Europe doit se prémunir contre les pratiques anticoncurrentielles des géants du net, alors il faut IMPERATIVEMENT donner au DSA l’opportunité de mettre en œuvre les mesures fortes qu’il laissait présager, en imposant des dispositions juridiques claires à l’ensemble des acteurs dominant le marché du numérique.
Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à mon message et qu’il vous sera utile lors de votre prise de position lors du vote.