L’article 17 de la directive droit d’auteur 2019/790 : le regard d’un praticien
12 février 2021
L’article 17 de la directive droit d’auteur 2019/790 : le regard d’un praticien

12 février 2021

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L’article 17 de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, dite directive DAMUN, propose un nouveau régime juridique de responsabilité pour les plateformes de partage de contenus en ligne qui mettent à disposition, à des fins lucratives, une quantité importante de contenus protégés que leurs utilisateurs ont téléversés afin de les communiquer au public.
Ce texte, qui a suscité de nombreuses analyses(1), répond à l’un des trois objectifs que s’était fixée la Commission européenne, lorsque celle-ci avait publié, le 14 septembre 2016, son paquet « droit d’auteur » matérialisé par une Communication(2), deux propositions de Directives(3) et deux propositions de Règlements(4).
La stratégie de la Commission européenne s’articulait en effet autour de trois axes consistant à, d’une part, harmoniser les exceptions aux droits d’auteur et voisins dans le domaine de l’accès au savoir en ligne, d’autre part, favoriser l’accès transfrontière aux biens culturels protégés par les droits d’auteur et voisins mais surtout améliorer le fonctionnement du marché de la diffusion en ligne desdits biens culturels.

L’adoption de l’article 17 relève bien évidemment de ce troisième objectif et s’inscrit dans un contexte où, comme les usages le démontrent(5), sur Internet, les intermédiaires techniques(6) d’hier sont devenus les diffuseurs d’aujourd’hui(7).
Or les effets de la directive Commerce électronique(8) qui encadre notamment le régime de responsabilité juridique de certains prestataires de services de la société de l’information, dont celui des hébergeurs avec le régime de l’irresponsabilité conditionnelle établi à son article 14, se sont aggravés avec le temps.
A l’origine, la directive Commerce électronique était censée ne pas contredire la directive DADVSI(9) adoptée peu après. Malgré la volonté affichée d’établir, par ces deux instruments, « un cadre réglementaire clair en ce qui concerne la responsabilité des intermédiaires en cas de violation du droit d’auteur et des droits voisins au niveau communautaire » (10), leurs objectifs respectifs, avec l’apparition des fournisseurs de services de partages de contenus en ligne, sont devenus contradictoires : d’un côté la volonté d’assurer un haut niveau de protection du droit d’auteur et des droits voisins, de l’autre l’objectif affiché de rassurer les prestataires de services de la société de l’information en leur garantissant une immunité leur permettant de développer leurs activités.
Plus précisément, l’irresponsabilité conditionnelle de ces fournisseurs de services de partage de contenus, instaurée par une interprétation extensive de l’article 14 de la directive Commerce électronique par un courant jurisprudentiel majoritaire(11), a eu pour effet de placer une large partie de l’exploitation en ligne de biens culturels hors du périmètre du droit d’auteur(12).
Ainsi, la jurisprudence française s’est prononcée à de nombreuses reprises sur l’application du régime d’irresponsabilité conditionnelle de la directive Commerce électronique aux exploitants de plateformes de partage de contenus en ligne. Après un premier mouvement de sévérité(13), les juges du fond ont très vite reconnu la qualification d’hébergeurs aux exploitants des sites de partage et autres plateformes communautaires, dès lors que les contenus étaient fournis par les utilisateurs(14). La Cour de cassation, quant à elle, après avoir exclu la qualification d’hébergeur en raison notamment de la commercialisation d’espaces publicitaires (15), a par la suite appliqué le régime d’irresponsabilité conditionnelle des hébergeurs aux services de partage de vidéos en ligne tels Dailymotion et Google Vidéos(16).
Il était donc vital de rééquilibrer ce rapport asymétrique entre les titulaires de droits et ces plateformes en ligne qui tirent profit de l’exploitation des œuvres protégées par le droit d’auteur auxquelles elles donnent accès sans pour autant rémunérer de manière appropriée les créateurs.
Cet objectif poursuivi par l’article 17 de la directive DAMUN est réalisé par un régime de responsabilité hybride qui conduit les plateformes de partage de contenus en ligne à répondre à deux types d’obligation.
La première obligation de ces plateformes consiste à fournir leurs meilleurs efforts pour obtenir les autorisations idoines auprès des titulaires de droits. Cette obligation de contracter avec les titulaires de droits s’accompagne d’une obligation de transparence qui, une fois l’autorisation obtenue, permettra d’assurer une rémunération appropriée au profit de ces derniers. Nous tenterons donc d’expliciter le sens de ces obligations et leurs implications concrètes dans le cadre des relations contractuelles entre les titulaires de droits, les plateformes de partage de contenus en ligne et leurs utilisateurs (I).
La seconde obligation, en dépit des meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits, conduit les plateformes de partage de contenus en ligne à fournir également leurs meilleurs efforts mais dans l’optique de garantir l’indisponibilité des contenus non autorisés par les titulaires de droits. La mise en œuvre de cette mesure a cristallisé de vives polémiques, souvent infondées, à propos de l’article 17. Le présent article a pour ambition de proposer des solutions concrètes de mise en œuvre de ce dispositif respectant à la fois la lettre et l’esprit de l’article 17 (II).

I. L’obligation d’obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits, prolongée, une fois l’accord obtenu, par une obligation de transparence

L’obligation pour les plateformes de partage de contenus en ligne de fournir leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits résulte de l’article 17.1 paragraphe 2 selon lequel les plateformes doivent obtenir une autorisation des titulaires de droits mais aussi de 17.4 a) qui vise le cas particulier où aucune autorisation n’a été accordée par le titulaire de droits concerné, les plateformes devant dans ce cas démontrer qu’elles ont fourni leurs meilleurs efforts pour obtenir cette autorisation.
Cette réitération, dans le contexte particulier d’absence d’autorisation, signifie bien que l’obtention de l’autorisation est à la charge exclusive des plateformes de partage de contenus en ligne, les titulaires de droits n’ayant pas, en vertu de l’article 17, une obligation d’accorder une licence d’autorisation à ces plateformes (17).
Elle constitue une obligation indépendante des autres obligations figurant au sein du même article 17.4 et justifie à elle seule le déclenchement de la responsabilité des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne lorsque ces derniers ont failli à celle-ci.
Cette obligation est la conséquence logique de deux principes cardinaux figurant à l’article 17 : d’une part, en donnant accès au public à des œuvres et objets protégés, les plateformes de partage de contenus en ligne effectuent un acte de communication au public ou de mise à disposition du public lequel a, d’autre part, pour conséquence d’écarter à l’égard desdites plateformes le régime de responsabilité limitée de l’article 14 paragraphe 1 de la directive Commerce électronique.
L’objet n’est pas ici de revenir sur le débat doctrinal relatif à l’imputabilité d’un acte de communication au public aux fournisseurs de services de partage de contenus en ligne puisque désormais l’article 17.1 fait peser une présomption irréfragable concernant cette imputabilité sur cette catégorie de prestataires de services de la société de l’information puisque ces derniers donnent accès au public à des contenus protégés.
De même, le principe selon lequel l’article 14.1 de la directive Commerce électronique ne peut s’appliquer dans ce cadre aux fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, tels que définis à l’article 2.6 de la directive DAMUN, ne saurait faire l’objet de développements dans la mesure où cet article 14 avait été identifié, dès la publication de la proposition de directive DAMUN, comme l’un des obstacles principaux à la mise en œuvre de l’obligation par les plateformes de partage de contenus en ligne d’obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits(18).
En revanche, il nous semble important d’expliciter la nature des obligations des plateformes de partage de contenus en ligne lorsque les titulaires de droits ont choisi de conclure des licences avec celles-ci.
Ces obligations se déclinent en deux grandes catégories : celle de fournir leurs meilleurs efforts pour obtenir une autorisation (a) laquelle est complétée, en vertu de l’article 17.8, par une obligation générale de transparence relative aux informations sur l’utilisation des contenus couverts par les accords de licence (b). L’obtention d’une licence d’autorisation par les plateformes visées à l’article 17 de la directive DAMUN produit par ailleurs un effet direct au bénéfice de certains de leurs utilisateurs lorsque ces derniers téléversent des contenus protégés dans des conditions déterminées (c).

a. L’obtention d’une autorisation auprès des titulaires de droits

Pour certaines catégories de titulaires de droits, notamment ceux dont les intérêts économiques sont représentés par des organismes de gestion collective, cette obligation constitue l’un des enjeux majeurs de l’article 17.
En effet, le statut d’hébergeur, dont pouvaient se prévaloir certains fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, avait une incidence directe dans le rapport avec les titulaires de droits : ces plateformes n’avaient aucune obligation de contracter des licences, ni aucun risque de voir leur responsabilité primaire engagée dans l’hypothèse où ces licences n’étaient pas conclues.
Cette immunité juridique avait ainsi un effet désastreux sur la situation économique des titulaires de droits étant donné qu’un nombre très important d’œuvres et d’objets protégés étaient par ailleurs rendus accessibles par le truchement de ces plateformes.
Il est vrai toutefois que certaines de ces plateformes avaient, avec le temps, décidé de conclure des accords de licence avec certains titulaires de droits.
Cependant, ce choix n’était pas dicté par des considérations juridiques. Il résultait de la volonté de ces plateformes d’acquérir, dans de meilleures conditions matérielles, certains contenus auprès des professionnels des industries culturelles afin de maximiser leur audience plutôt que de se contenter d’exploiter des contenus téléversés, dans des conditions techniques imparfaites, par leurs utilisateurs.
Ces relations contractuelles, parfois tumultueuses, étaient empreintes de fragilité étant donné qu’une épée de Damoclès, matérialisée par le statut d’hébergeur, pesait sur les négociations menées entre les parties. Cet aspect était particulièrement prégnant s’agissant des organismes de gestion collective qui, en raison de la gestion de millions d’œuvres, n’avaient en réalité d’autre choix que d’accepter d’accorder une licence au rabais pour leur répertoire à ces plateformes de partage de contenus en ligne lorsque ces dernières consentaient à conclure des accords.
L’obligation de fournir leurs meilleurs efforts par les plateformes pour obtenir une autorisation désormais visée à l’article 17 vient par conséquent opérer un changement de paradigme par rapport au régime de responsabilité limitée de l’article 14.1 de la directive Commerce électronique qui n’imposait aucune démarche de la part de ces plateformes vis-à-vis des titulaires de droits en la matière.
Les diligences devant être déployées par les plateformes doivent être appréciées à l’aune de deux critères.
Premièrement, la notion de meilleurs efforts afin d’obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits s’analyse comme une obligation de moyens renforcée. Son manquement est caractérisé par l’absence de diligences, appréciée conformément à des normes élevées, par le débiteur de cette obligation pour atteindre un certain but, de telle sorte que sa responsabilité est subordonnée à la preuve qu’il a manqué à ce devoir élevé de diligence. Il ne s’agit donc pas d’une obligation de résultat qui obligerait les plateformes à conclure une licence d’autorisation, à n’importe quelle condition, avec les titulaires de droits désireux de liciter leurs œuvres et objets protégés.
A cet égard, le considérant 61 de la directive DAMUN vient préciser que « Ces accords de licence devraient être équitables et maintenir un équilibre raisonnable entre les deux parties. Les titulaires de droits devraient percevoir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres et autres objets protégés ».

Cette référence aux principes d’équité et de rémunération appropriée fait écho à certaines dispositions figurant dans la directive Gestion Collective(20) de 2014 qui précise dans son article 16, d’une part, que « Les États membres veillent à ce que les organismes de gestion collective et les utilisateurs négocient de bonne foi l’octroi de licences de droits. » et, d’autre part, que « Les titulaires de droits perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits. Les tarifs appliqués (…) sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés (…) ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion collective. »

Le considérant 61 va toutefois au-delà de la directive Gestion Collective puisqu’il étend, dans le contexte de l’article 17 de la directive DAMUN, certains des principes visant les organismes de gestion collective aux titulaires de droits qui exercent leurs droits patrimoniaux de manière individuelle. Cette précision mérite d’être saluée car il aurait été injustifié, sur ces aspects de négociations contractuelles, de ne pas aligner ces deux catégories de titulaires de droits.

Les plateformes de partage de contenus en ligne devront donc être pro-actives et diligentes dans les démarches qu’elles doivent désormais entreprendre vis-à-vis des titulaires de droits afin d’obtenir des licences de leur part. Cette nouvelle exigence ne signifie pas pour autant que les titulaires de droits pourront imposer des conditions de rémunération arbitraires aux plateformes, cette rémunération devant être appropriée afin de maintenir un équilibre raisonnable entre les parties.

Deuxièmement, l’article 17.5 de la directive DAMUN vient préciser que les obligations incombant aux plateformes de partage de contenus en ligne en vertu de l’article 17.4 doivent s’apprécier « à la lumière du principe de proportionnalité ».
Ce principe de proportionnalité concerne notamment, en application de l’article 17.4 a), l’obligation de fournir leurs meilleurs efforts par ces plateformes de partage de contenus en ligne afin d’obtenir une autorisation des titulaires de droits.
L’article 17.5 indique les critères qui doivent être pris en considération pour évaluer ce principe de proportionnalité parmi lesquels figurent : le type, l’audience et la taille du service, ainsi que le type d’œuvres ou d’autres objets protégés téléversés par les utilisateurs desdites plateformes(21).
La disponibilité de moyens adaptés et efficaces et leur coût proposés aux fournisseurs de services de partage de contenus en ligne doivent également être pris en compte(22). Cela signifie que les technologies permettant l’identification des œuvres et objets protégés par ces plateformes joueront un rôle décisif pour apprécier les diligences devant être mises en œuvre par elles(23).
En outre, la structuration du marché de la gestion des titulaires de droits concernés par ces exploitations est un facteur important permettant d’évaluer les efforts déployés par les plateformes visées par l’article 17.
Le secteur de la musique enregistrée offre à cet égard une illustration intéressante de la faible intensité des efforts incombant aux plateformes en vue d’obtenir une autorisation. Celui-ci a en effet pour particularité d’être assez organisé pour permettre auxdites plateformes d’identifier les titulaires de droits concernés. S’agissant des droits d’auteur, la Commission européenne publie la liste des organismes de gestion collective, comme la SACEM, tout comme les autorités compétentes désignées dans chaque Etat membre(24) qui ont également pour mission de contrôler les organismes de gestion indépendants. Les coûts de transaction liés à la conclusion des licences avec ces organismes sont ainsi limités. Il en va de même pour les droits voisins puisque, à l’exception des producteurs de phonogrammes majors et certains indépendants au demeurant facilement identifiables, la plupart des autres producteurs de phonogrammes ont confié la gestion de leurs droits voisins à des agrégateurs numériques.
De même, les pratiques contractuelles dans le secteur de la musique enregistrée sont suffisamment développées pour permettre aux plateformes de partage de contenus en ligne de négocier des licences dans un cadre stabilisé tant d’un point de vue économique que juridique.
Cette obligation de fournir ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation permettra toutefois d’éviter que certains services de partage de contenus en ligne, en développant des manœuvres dilatoires dans le cadre de l’obtention de licences, se comportent en « passager clandestin » et cherchent en réalité, comme ce fut souvent le cas ces dernières années, à valoriser leur entreprise au détriment des intérêts économiques des titulaires de droits dont pourtant ils exploitent les œuvres et objets protégés de manière significative.
Il ne fait donc pas de doute que, dans le secteur de la musique enregistrée, l’obligation de moyens renforcée, appréciée à la lumière du principe de proportionnalité, incombant aux plateformes de partage de contenus en ligne pour obtenir des autorisations auprès des titulaires de droits ne devrait pas soulever des difficultés particulières tant la maturité des pratiques contractuelles dans ce secteur y est avérée.
S’agissant des aspects relatifs aux accords conclus avec les titulaires de droits, l’article 17 de la directive DAMUN aurait été incomplet s’il n’avait pas prévu dans ce cadre une obligation de transparence à la charge des plateformes.

b. L’obligation de transparence dans le cadre de la mise en œuvre des licences

Cette obligation de transparence, prévue à l’article 17.8 de la directive DAMUN, n’est pas limitée aux accords de licence mais prend un sens particulier dans ce cadre précis.
En effet, tirant prétexte du fait que les plateformes de partage de contenus en ligne n’exercent pas un contrôle éditorial sur les œuvres et objets protégés téléversés par leurs utilisateurs, celles-ci ont rarement rempli de manière appropriée leurs obligations contractuelles vis-à-vis des titulaires de droits en ce qui concerne les informations nécessaires au calcul de la rémunération négociée par ces derniers qu’il s’agisse de l’identification des œuvres et objets exploités ou des recettes que ceux-ci génèrent.
Ces manquements sont d’autant plus regrettables que l’exploitant doit, en vertu de l’article L.324-8 du Code de la propriété intellectuelle, communiquer aux organismes de gestion collective « dans un format et dans un délai convenus entre les parties ou préétablis, les informations pertinentes sur l’utilisation qu’il a faite des droits, de telle sorte que l’organisme soit en mesure d’assurer la perception et la répartition des revenus provenant de l’exploitation de ces droits ».
C’est peu dire que cette obligation légale n’est pas respectée tant les informations communiquées par les plateformes de partage de contenus en ligne ont été jusqu’à présent lacunaires.
L’obligation prévue à l’article 17.8 vient combler cette carence puisque les plateformes de partage de contenus en ligne sont désormais tenues de fournir aux titulaires de droits, en cas d’accords de licence, des informations sur l’utilisation des contenus couverts par ces accords.
Le considérant 68 vient rappeler sur ce point que les informations des plateformes devraient être suffisamment précises pour offrir une transparence adéquate et utile aux titulaires de droits sans être tenues toutefois de fournir des informations détaillées et individualisées concernant chaque œuvre ou objet protégé.
A dire vrai, l’obligation de transparence à la charge des plateformes, telle que décrite par le considérant 68, vise indistinctement le cas de figure dans lequel une licence est accordée et celui où le titulaire de droits souhaite obtenir l’indisponibilité d’un contenu non-autorisé.
Toutefois, il est indéniable que le législateur européen a souhaité, dans le cas précis où une licence est octroyée par le titulaire de droits, permettre à ce dernier d’obtenir des plateformes des informations précises sur les règles qui encadrent la monétisation de ses œuvres et autres objets protégés. La dernière phrase du considérant 68 est sur ce point déterminante puisqu’elle précise que cette obligation de transparence, décrite a minima dans les phrases précédentes de ce même paragraphe, « devrait s’entendre sans préjudice des accords contractuels qui pourraient contenir des dispositions plus spécifiques sur les informations à fournir lorsque des accords sont conclus entre les fournisseurs de services et des titulaires de droits ».
En outre, l’analyse de l’article 17.8 et du considérant 68 de la directive DAMUN doit être combinée avec le principe de rémunération appropriée et proportionnelle et le principe de transparence respectivement édictés par les articles 18 et 19 de cette même directive DAMUN dont bénéficient les auteurs et les artistes-interprètes dans le cadre de leurs contrats d’exploitation. L’effectivité de ces deux autres principes nécessite qu’un haut niveau de transparence soit atteint, dans le cadre de la mise en œuvre des licences, par ces services de partage de contenus en ligne qui, comme le rappelle le considérant 61 de la directive DAMUN, « sont devenus une source principale d’accès aux contenus en ligne ».
En pratique, la combinaison de ces obligations légales va permettre de rééquilibrer les relations contractuelles entre les titulaires de droits et les plateformes de partage de contenus en ligne. Ainsi, les règles de monétisation des contenus, la catégorisation de ces derniers – qui a notamment un impact direct sur la rémunération des auteurs – devront être rendues accessibles aux titulaires de droits et faire l’objet d’une négociation de bonne foi entre les parties. De même, dans le cadre de cette obligation de transparence, les titulaires de droits devront connaître les changements opérés sur ces paramètres qui jusqu’à présent étaient déterminés de manière unilatérale par les plateformes.
Il est également essentiel que les informations adressées par les titulaires de droits aux plateformes en vue de mieux identifier leurs œuvres et objets protégés soient intégrées au sein d’un dispositif technique transparent permettant à ces titulaires de droits de suivre, conformément à l’article 17.8 de la directive DAMUN, « l’utilisation des contenus couverts par les accords ». L’intégration de ces informations par les plateformes de partage de contenus en ligne et leur suivi par les titulaires de droits sont en effet indispensables à la mise en œuvre d’accords de licence équitables permettant de garantir à ces derniers une rémunération appropriée.

c. L’obtention de licences permet de couvrir certains actes d’exploitation des utilisateurs des plateformes de partage de contenus en ligne

L’article 17.2 de la directive DAMUN prévoit que « (…) lorsqu’un fournisseur de services de partage de contenus en ligne obtient une autorisation, par exemple en concluant un accord de licence, cette autorisation couvre également les actes accomplis par les utilisateurs des services relevant du champ d’application de l’article 3 de la directive 2001/29/CE lorsqu’ils n’agissent pas à des fins commerciales ou lorsque leur activité ne génère pas de revenus significatifs. »
La conclusion d’accords de licence a donc un double effet au regard de l’exercice du droit de communication des œuvres et objets protégés : elle régularise, dans les limites des autorisations octroyées par les titulaires de droits, la situation des plateformes mais aussi celle des utilisateurs qui téléversent des contenus lorsque ces derniers, comme le précise le considérant 69 de la directive DAMUN, agissent uniquement à des fins non-commerciales ou dans le cas où les revenus générés par leurs contenus téléversés ne sont pas significatifs.

Une raison a motivé l’adoption d’une telle disposition. Elle a trait à la sécurité juridique que le législateur européen souhaitait garantir aux utilisateurs, intervenant dans la sphère non-commerciale, qui téléversent des contenus protégés vers les plateformes visées par l’article 17 en vue de leur communication au public.

Depuis l’arrêt Airfield relatif à l’interprétation de la notion de communication au public au sens de l’article 1er de la directive SatCab 1 (25), il est admis par la CJUE qu’un acte unique de communication au public peut être imputable à deux entités distinctes qui jouent un rôle incontournable dans la mise à disposition au public d’œuvres ou d’objets protégés.

Ce principe, transposé à la situation des plateformes de partage de contenus en ligne et aux utilisateurs qui les alimentent, aurait dû logiquement conduire à consacrer expressément dans la directive DAMUN un principe de responsabilité conjointe de ces deux catégories d’intervenants puisque, d’une part, sans les utilisateurs qui téléversent des contenus ces derniers ne seraient pas présents sur la plateforme et, d’autre part, sans l’intervention des plateformes ces mêmes contenus ne seraient pas accessibles par le public.
En raison de cette responsabilité conjointe, il est donc apparu opportun au législateur européen de sécuriser la responsabilité juridique des personnes qui téléversent des contenus, agissant dans la sphère non-commerciale et qui le plus souvent ne sont pas des professionnels de la distribution en ligne de biens culturels, par le biais des accords de licence conclus par les plateformes et dans la limite des autorisations octroyées par les titulaires de droits.
Nonobstant le mécanisme prévu à l’article 17.2 précité, le risque était de voir les plateformes de partage de contenus en ligne se décharger, auprès des personnes qui leur téléversent des contenus, de leur obligation légale d’obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits, en imposant à ces « téléverseurs » des contrats d’adhésion les obligeant à conclure des accords de licence couvrant leur responsabilité mais aussi celle des plateformes au titre de l’acte de communication au public.
Néanmoins, un tel écueil est évité étant donné que le considérant 69 vient préciser qu’un tel mécanisme ne trouverait à s’appliquer que « lorsque les titulaires de droits ont autorisé expressément des utilisateurs à téléverser et à mettre à disposition des œuvres ou autres objets protégés sur un service de partage de contenus en ligne ».
Ce n’est donc qu’en présence d’une autorisation expresse de la part des titulaires de droits accordée aux utilisateurs pour, d’une part, téléverser et, d’autre part, mettre à disposition des contenus protégés que l’acte de communication au public, imputable à la plateforme de partage de contenus en ligne en vertu de l’article 17.1 paragraphe 1 de la directive DAMUN, serait couvert dans les limites de cette autorisation.
En outre, ce même considérant 69 instaure un garde-fou dans sa dernière phrase qui précise que : « Cependant, les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne ne devraient bénéficier d’aucune présomption selon laquelle leurs utilisateurs auraient obtenu l’ensemble des droits concernés. »
Une telle précision apparaît comme cruciale pour préserver à la fois la cohérence et l’équilibre du dispositif de l’article 17 de la directive DAMUN car elle induit que les plateformes ne pourront jamais instrumentaliser les contrats d’adhésion qu’elles concluent, via un simple clic, avec leurs utilisateurs qui téléversent des contenus dans le but d’échapper à leur obligation légale d’obtenir une autorisation auprès des titulaires de droits.

Le dispositif prévu à l’article 17 en matière d’obtention d’autorisation est donc à la fois cohérent, efficace et souple.
Efficace, car il permet de préserver une juste rémunération des titulaires de droits qui souhaitent conclure des licences d’autorisation pour leurs œuvres et objets protégés avec des plateformes de partage de contenus en ligne.
Cohérent, dans la mesure où il tire les conséquences des principes selon lesquels ces plateformes réalisent un acte de communication au public et ne peuvent, au titre des actes d’exploitation qu’elles entreprennent, s’abriter derrière le régime juridique inadapté car dépassé de l’article 14 paragraphe 1 de la directive Commerce électronique.
Souple, puisqu’il laisse se développer différents schémas contractuels sans toutefois permettre aux plateformes de partage de contenus en ligne d’imposer à leurs utilisateurs, qui leur téléversent des œuvres et objets protégés, la charge de l’obtention des autorisations auprès des titulaires de droits.
Le périmètre de l’article 17 de la directive DAMUN ne se limite toutefois pas à la question de l’obtention des autorisations auprès des titulaires de droits, il vise également à traiter de la question de l’indisponibilité des contenus protégés, lorsqu’aucune autorisation n’a été accordée par ces derniers, selon un mécanisme de responsabilité juridique spécifique.

II. L’obligation de fournir leurs meilleurs efforts pour garantir l’indisponibilité des contenus non-autorisés

Cette obligation d’indisponibilité visée à l’article 17.4 de la directive DAMUN se traduit, d’une part, par une obligation de bloquer ces contenus illicites en amont (blocage ex-ante) afin d’empêcher leur communication au public sous réserve d’avoir obtenu des titulaires de droits les informations pertinentes et nécessaires et, d’autre part, par une obligation de retirer ces contenus en aval de leur communication au public (blocage ex-post), dès réception d’une notification suffisamment motivée par les titulaires de droits, et d’assurer dans le prolongement de ce retrait que lesdits contenus ne réapparaissent pas sur la plateforme dûment notifiée (obligation dite de « stay down »).

La mise en œuvre de ces trois obligations décrites ci-dessus doit être effectuée à la lumière d’un principe général de proportionnalité évoqué ci-avant qui s’apprécie notamment au regard de la taille de la plateforme, de son audience, de la nature des œuvres et objets protégés ainsi que des moyens techniques disponibles et de leurs coûts(26).

Par ailleurs, l’article 17.7 de la directive DAMUN vient tempérer ces différentes obligations de blocage en précisant que celles-ci ne doivent pas conduire à empêcher la communication ou la mise à disposition d’œuvres et d’objets protégés ne portant pas atteinte au droit d’auteur et aux droits voisins.

Concrètement, ce principe signifie que les obligations de blocage précitées ne doivent pas s’appliquer à des contenus dûment autorisés par les titulaires de droits concernés, des contenus qui ne sont pas ou plus protégés ou des contenus exploités dans le cadre d’usages couverts par des exceptions légales au droit d’auteur et aux droits voisins(28).

Le paragraphe 2 de l’article 17.7 insiste plus particulièrement sur certaines exceptions aux droits d’auteur et voisins en précisant que les utilisateurs, qui téléversent des contenus sur les plateformes en question afin de les communiquer au public, doivent pouvoir se prévaloir des exceptions légales concernant, d’une part, la citation, la critique et la revue et, d’autre part, celles relatives à la caricature, à la parodie et au pastiche.

Cette précision ne change pas la portée de l’article 17.7 mais vient garantir que chacun des Etats membres devra préserver, dans sa législation interne, les exceptions précitées si ce n’était pas déjà le cas(29).

Afin de concilier la mise en œuvre des principes édictés respectivement aux articles 17.4 et 17.7 de la directive DAMUN, l’article 17.9 prévoit la mise en place d’un dispositif de traitement des plaintes et de recours, qualifié de « rapide et efficace », à la disposition des personnes qui téléversent des contenus ayant fait l’objet d’une mesure de blocage(30) dans l’hypothèse où leurs contenus relèveraient d’un usage licite. Ce dispositif ne saurait avoir vocation à être exclusivement utilisé par des particuliers pouvant se prévaloir d’une exception légale au droit d’auteur et aux droits voisins mais doit également bénéficier au titulaire de droits qui, ayant téléversé son contenu avec les autorisations idoines, le verrait bloqué pour des motifs injustifiés.

L’article 17.9 poursuit ce principe de conciliation en organisant la manière dont les mesures de blocage et leurs contestations doivent être articulées (justification des mesures de blocage, contrôle de ces mesures par une personne physique, traitement des plaintes sans retard indu, mise en place à cet effet d’un mécanisme de recours extra-judiciaire, possibilité de saisir en tout état de cause l’autorité judiciaire).

A cette fin, la Commission européenne a organisé des échanges entre les parties concernées(31) par ce dispositif et doit, conformément à l’article 17.10 de la directive DAMUN, d’ici probablement le second semestre de l’année 2020, émettre des orientations sur l’application de cet article notamment sur les aspects concernant la conciliation des mesures de blocage avec celles de préservation des usages légitimes.

a) Les réflexions issues des échanges avec la Commission européenne

Le principal écueil à éviter dans la mise en œuvre des principes précités est un dispositif déséquilibré : soit au détriment des titulaires de droits qui seraient confrontés à un mécanisme ne permettant pas de bloquer de manière efficace des usages illicites, soit au détriment des utilisateurs qui verraient leurs utilisations légitimes bloquées, étant précisé que les plateformes de partage de contenus en ligne ont en outre besoin d’avoir un cadre clair au sein duquel elles doivent pouvoir opérer.

Cette difficulté s’illustre notamment lorsqu’il s’agit des usages relevant des exceptions légales étant donné qu’il n’appartient à aucune des parties intéressées de définir leurs contours. Seules l’autorité judicaire en application de chacune des législations nationales internes, mais aussi désormais l’entité en charge des recours extrajudiciaires visée à l’article 17.9 paragraphe 2 de la directive DAMUN, ont en effet compétence pour statuer sur le bien-fondé de revendications contradictoires concernant le blocage de contenus et leur utilisation licite.

Afin de résoudre cette problématique, certains juristes(32) préconisent de limiter le blocage de contenus ex-ante à des contenus qu’ils considèrent comme manifestement illicites en invoquant le concept de « prima facie infringement ». Selon eux, les mesures de blocage ne devraient s’appliquer qu’à des contenus qui seraient identiques ou équivalents à ceux qui n’ont pas fait l’objet d’une autorisation de la part des titulaires de droits d’auteur et droits voisins et pour lesquels lesdits titulaires de droits auraient communiqué des informations pertinentes et nécessaires aux plateformes de partage de contenus en ligne.

A défaut d’identité ou d’équivalence entre les contenus pour lesquels les informations ont été communiquées par les titulaires de droits aux plateformes et les contenus téléversés par les utilisateurs, le dispositif de blocage ex-ante prévu à l’article 17.4 b) ne devrait pas fonctionner, les contenus en question devant être considérés, selon ces mêmes juristes, comme étant présumés licites. Dans cette optique, leur mise à disposition sur les plateformes de partage de contenus en ligne devrait être maintenue jusqu’à l’issue de la procédure prévue à l’article 17.9 qui peut durer plusieurs années dans l’hypothèse où l’autorité judiciaire serait saisie.
Une telle approche ne correspond ni à la lettre, ni à l’esprit de l’article 17 de la directive DAMUN pas plus qu’à l’articulation entre, d’une part, les droits exclusifs de nature préventive, dont bénéficient les titulaires de droits d’auteur et de droits voisins, et, d’autre part, les exceptions légales opposables à ces droits.
En premier lieu, la lettre de l’article 17, et notamment le 17.4, ne limite pas les meilleurs efforts des plateformes de partage de contenus en ligne, pour garantir l’indisponibilité des contenus illicites, à des contenus identiques ou équivalents aux contenus pour lesquels les titulaires de droits ont communiqué des informations à ces plateformes.

Le texte de la directive vise la communication au public de contenus protégés n’ayant pas fait l’objet d’une autorisation de la part des titulaires de droits concernés, que cette exploitation desdits contenus soit intégrale ou partielle et sans distinguer parmi ces contenus, ceux qui sont « manifestement » illicites et ceux étant « simplement » illicites.

D’ailleurs, la notion d’identité de contenus est un concept inopérant en matière de droit d’auteur dans la mesure où une même œuvre protégée, exploitée intégralement ou non, peut faire l’objet d’une interprétation différente de la part des artistes qui l’interprètent. Dans ce cas, il y aura toujours une identité d’œuvre, mais pas une identité de contenus puisqu’il y existera une interprétation différente.

En outre, il ne suffit pas qu’une exploitation d’un contenu protégé soit partielle ou transformée pour être présumée comme relevant d’une exception aux droits d’auteur et voisins, encore faut-il envisager la finalité de l’usage considéré afin de vérifier que celui-ci correspond à celui visé par l’exception légale. Ainsi, la CJUE, dans une affaire Pelham/Hütter (33), a rappelé que l’utilisation de quelques secondes d’un phonogramme protégé, incorporé dans un autre phonogramme par la technique du sampling, constituait un usage illicite puisqu’il ne relevait pas en l’espèce de l’exception de citation étant donné que cette incorporation était réalisée à des fins récréatives.
En second lieu, s’il s’agit bien de sauvegarder l’effet utile des exceptions tout en respectant leur finalité, il est également nécessaire de rappeler que la directive DADVSI et la directive DAMUN tiennent à l’instauration d’un niveau élevé de protection en faveur des titulaires de droits d’auteur et de droits voisins(34).

Une présomption de légitimité des usages, fondée exclusivement sur une identité ou une équivalence entre le contenu communiqué et celui bloqué, reviendrait en réalité à remettre en cause à la fois le principe de la protection effective des droits d’auteur et voisins et celui de l’interprétation stricte des exceptions à ces droits.

Une telle présomption aboutirait en réalité à un renversement des concepts : l’exception devenant le principe, auquel devraient se soumettre les parties intéressées, et l’application des droits exclusifs l’exception.

Or, comme le rappelle l’ALAI(35) dans son avis relatif à l’article 17 du 30 mars 2020 : « c’est le système légal de l’article 17 lui-même qui démontre d’une façon positive que le droit exclusif jouit d’une priorité de principe. Le droit exclusif constitue la règle de base. Ce principe trouve sa justification dans les intérêts urgents des ayants-droit. Si l’on devait tolérer que l’œuvre en cause reste accessible au public jusqu’au moment où le titulaire du droit prouve le bien-fondé de son action, il en résulterait pour lui un préjudice irréparable. »

Un dispositif qui permettrait uniquement le blocage ex-ante de contenus identiques ou équivalents à ceux communiqués par les titulaires de droits aux plateformes de partage de contenus en ligne et prévoirait que les contenus non-identiques ou non-équivalents soient présumés comme légitimes et donc maintenus sur ces plateformes jusqu’à l’issue des procédures prévues à l’article 17.9 irait à l’encontre d’un niveau de protection élevé des droits d’auteur et voisins.

Une telle proposition ne permettrait donc pas « de maintenir un équilibre entre les droits fondamentaux et le recours aux exceptions et limitations » tel qu’envisagé par l’article 17.10 de la directive DAMUN.

b) Les orientations préconisées

Comme évoqué précédemment, ni les parties intéressées, ni la Commission ne doivent se substituer aux autorités compétentes pour déterminer les contours des exceptions dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 17 et notamment de son paragraphe 7.
En revanche, il est possible d’envisager une procédure qui responsabilise chacune des parties prenantes afin d’éviter les abus dans un sens comme dans un autre.
Dans cette perspective, il semble utile de prévoir que chacune des étapes dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 17 fasse l’objet d’une confirmation de la part des intéressés. Cette confirmation pourrait être assortie d’un mécanisme de responsabilité en cas d’abus de la part des parties prenantes au processus de mise en œuvre de l’article 17.
Ainsi, le titulaire de droits, qui a communiqué les informations pertinentes et nécessaires relatives à ses contenus, afin d’obtenir un blocage ex-ante auprès de la plateforme, pourrait se voir demander de confirmer son intention de maintenir le blocage concerné en cas de contestation sur le fondement d’un usage légitime de la part de l’utilisateur qui a téléversé ledit contenu litigieux.
Dans l’hypothèse où le titulaire de droits déciderait de maintenir ce blocage, sa responsabilité pourrait, le cas échéant, être engagée si, à l’issue de la procédure de recours prévue à l’article 17.9, l’usage en question se révélait légitime au motif (a) que le contenu n’était pas ou plus protégé, (b) que le contenu ait fait l’objet d’une autorisation idoine ou (c) qu’il relève d’une exception obligatoire au droit d’auteur et droits voisins.
Par souci de réciprocité, un système de responsabilité devrait également être prévu vis-à-vis des utilisateurs qui utiliseraient de manière injustifiée la procédure de plainte et de recours prévue à l’article 17.9 précité.
Quant aux plateformes de partage de contenus en ligne, leur responsabilité sera engagée si elles ne déploient pas leurs meilleurs efforts, à la lumière du principe de proportionnalité, pour garantir l’indisponibilité des contenus non-autorisés pour lesquels les titulaires de droits leur ont fourni les informations nécessaires et pertinentes pour permettre ces opérations de blocage. Une fois ces informations pertinentes et nécessaires adressées par les titulaires de droits, c’est donc leur manque de réactivité qui déclenchera leur responsabilité en vertu de l’article 17. 4 b) de la directive DAMUN. Dans l’hypothèse où le blocage ex-ante d’un contenu aurait été maintenu par une confirmation de la part d’un titulaire de droits, alors que celui-ci s’est révélé à l’issue de la procédure de traitement des plaintes comme étant injustifié car couvert par un usage légitime, la responsabilité dudit blocage devrait être reportée vers le titulaire de droits concerné qui a maintenu, en pleine connaissance de cause, une demande de blocage infondée.

***
Le dispositif adopté par l’article 17 de la directive DAMUN est à la fois pragmatique et cohérent : il insiste sur la nécessité de conclure des licences avec les titulaires de droits qui le souhaitent mais permet également, lorsque la conclusion d’accords de licence n’est pas possible ou souhaitable, de rendre les contenus non-autorisés, sous certaines réserves et modalités, indisponibles.
On observe par ailleurs que les différents mécanismes issus de l’article 17 ne sont pas figés tant celui-ci traite de situations différentes devant être appréciées à la lumière du principe de proportionnalité mais aussi de l’état de l’art qui par définition est évolutif. Il est également important de tenir compte de la maturité et de l’évolution des pratiques contractuelles de chacun des secteurs des industries culturelles concernées. La pratique et les usages viendront avec le temps compléter ce nouveau régime de responsabilité encadrant les activités de prestataires de services de la société de l’information qui jouent un rôle majeur dans l’exploitation massive des biens culturels.

DAVID EL SAYEGH

David El Sayegh est âgé de 50 ans. Avocat de formation, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, il a exercé 5 ans au cabinet Soulié & Coste-Floret. Il a ensuite travaillé à la SACEM pendant 7 ans au sein du service de perception Internet, Médias et Droit de reproduction. Il a rejoint le SNEP en septembre 2007 en qualité de Directeur des Affaires juridiques et Nouvelles technologies pour en devenir le Directeur Général en juin 2009. Depuis avril 2013, il occupe les fonctions de Secrétaire Général au sein de la SACEM. Il est notamment en charge des questions juridiques, européennes et institutionnelles et des Services musicaux.

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