L’EUROPE, LE BUFFLE, L’OURS ET LE PANDA
6 janvier 2022
L’EUROPE, LE BUFFLE, L’OURS ET LE PANDA

6 janvier 2022

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En réfléchissant à cette question, je me suis remémoré cette phrase de Churchill prononcée en 1943 : « C’est à Téhéran que pour la première fois je me suis rendu compte quelle petite nation nous étions. J’étais assis là avec le grand ours russe à ma gauche et le buffle américain à ma droite »

Même en prenant pour acquis – et c’est loin d’être le cas- que l’Europe est un acteur international, le buffle américain a plutôt grossi depuis et l’ours russe a certes perdu quelques kilos, mais a gardé ses griffes. Et il faut y ajouter le panda chinois qui n’est pas toujours mignon…
Sans parler, pour reprendre la nomenclature de Bernard-Henri Lévy, du Sultan, du Chah et de quelques autres qui ne nous veulent pas que du bien !

Bref, la situation géopolitique n’autorise en rien de penser un seul instant que nous n’aurions pas d’ennemis et que nous n’avons dès lors nul besoin de bâtir une Europe puissante. Ce mot prêtant à critiques, il convient plutôt de dire une Europe susceptible de se défendre, une Europe qui n’est pas obligée de tout accepter par impuissance, mais qui, au contraire, peut imposer ses intérêts, à l’instar de tous ceux cités ci-dessus.
En clair, une Europe qui doit, enfin, réaliser cette « Union sans cesse plus étroite… » qui figure comme objectif dans le Traité de Rome de 1957 !!…
Pour que notre Europe puisse assumer une telle évolution, elle doit d’abord cesser de s’excuser d’exister et de ne pas laisser un seul de ses membres face à une agression, aussi « faible » soit elle.

Pour jouer le rôle conforme à notre puissance industrielle et commerciale, nous devons en effet exister politiquement et tenir notre rang dans cette nouvelle forme de guerre sans chars, ni canons (encore que !…)

Cela exige en premier lieu que bon nombre des Etats membres changent radicalement leur vision du monde, leur logiciel. Il est faux de prétendre que nous n’avons pas d’ennemis, quand tous lorgnent nos richesses et s’échinent à nous mettre des bâtons dans les roues.
Nos amis pacifistes doivent cesser de confondre, désir ou volonté de paix, avec absence d’ennemis. L’Europe peut devenir – et c’est ce qu’elle doit avoir comme objectif- un facteur de paix mais sans fermer les yeux sur ses ennemis et ils sont nombreux !!

La plupart d’entre eux se déclarent l’ami des Européens, mais déploie une activité féroce pour déstabiliser l’Union. Nous ne devons plus accepter que l’on se comporte sans crainte, car c’est une attitude sans risques à ce jour, de manière à saper nos bases en vantant des relations « bilatérales », hors UE, alors que Mr Poutine n’accepte même pas que nous puissions avoir des relations bilatérales avec l’Ukraine. Et le même Mr Poutine se déclare ami de la France et/ou de l’Allemagne (ainsi que de nombreux autres Etats membres) mais vise ouvertement à perturber l’Union.
C’est ce qui devrait nous convaincre de faire ce pas vers un Union politique- maintenant également souhaitée par le gouvernement allemand ! Pour reprendre l’observation churchillienne, l’ours, de même que le buffle, nous veulent divisés pour nous imposer, à chacun, leur loi.
Cette observation devrait nous conduire à minimiser nos (petits) différends, à débattre moins de sujets sociétaux, certes passionnants, mais qui pourraient, au regard de l’histoire se rapprocher des débats sur le sexe des anges à Byzance, il y a un peu moins de 5 siècles, et qui a provoqué notre commisération.

Nous devons profiter du fait que Olaf Scholz et Macron semblent avoir la détermination nécessaire pour amorcer ce virage salutaire, seul à même de nous permettre de continuer à exister sur le plan mondial, non pour imposer notre vision du monde- ce qui serait absurde- mais pour défendre nos intérêts !

La question posée, quant à notre place dans le concert des « Grands », n’a de sens que si ce préalable est mis en chantier sous présidence française, comme cela figure dans l’agenda de la présidence, et soit réalisé !!

Alors, l’on peut s’interroger quant à notre place et à notre rôle, notamment dans la nouvelle guerre froide, cette fois entre Chine et Etats-Unis.
En premier lieu, les Etats- Unis sont notre allié et notre ami. L’Union Européenne elle- même est liée aux Etats-Unis, puisque la quasi-totalité de ses membres est également membre de l’OTAN.

On pourrait imaginer qu’à terme (probablement à très long terme) l’UE elle-même soit membre du Traité de l’Atlantique Nord….
En deuxième lieu, le fait d’être ami et allié ne signifie pas une adhésion totale aux Etats-Unis. La concurrence et la compétition ont toujours existé entre amis et alliés, y compris au sein de l’OTAN. Aucun pays membre de l’Alliance ne prête allégeance au « buffle », qui, lui-même, n’a pas pour habitude de défendre nos économies ! …

En troisième lieu, le fait est que ce sont les Etats-Unis qui ont encouragé la Chine et qui ont été parmi les premiers à délocaliser nombre de leurs productions en Chine. Nos amis américains, en premier, ont oublié que toute entité dotée d’une puissance économique, devient très vite une puissance tout court, ne serait-ce que pour défendre leurs intérêts économiques, c-à-d vendre cette production considérable de biens. Peut-être pensaient- ils – et ce n’était pas aberrant – que la Chine ferait comme l’Europe et se contenterait d’être un géant économique !…
Mais le fait est, que 30 ans plus tard, la Chine est une grande puissance. A tel point que son dirigeant ose annoncer que son pays dominera le monde dans moins de 30 ans- précisément en 2048.
D’où la rivalité exacerbée, indépendamment du changement de Président : Trump a été suivi par Biden!
Dans cette nouvelle guerre froide, l’Europe a -t -elle un choix ?
Serions-nous dans la même situation qu’après la dernière guerre mondiale ? Conduits à suivre aveuglément nos amis et alliés ? mais la situation n’est pas la même :
– à la fin des années 40, chacun de nos pays de l’Europe occidentale était exsangue et ne pouvait se redresser que grâce au Plan Marshall; aujourd’hui nous sommes en meilleure santé économique et nous bénéficions d’un plan européen financé par la Commission.
– À la fin des années 40, nous coexistions dans un après-guerre, où les ennemis d’avant 45 n’étaient pas encore nos amis, encore moins nos partenaires privilégiés au sein de l’Union européenne qui n’existait pas, bref, nous n’étions pas en mesure de revendiquer quelque « puissance » que ce soit.

– Enfin, à l’époque il n’existait pratiquement pas d’échanges commerciaux avec l’URSS, alors qu’aujourd’hui, les échanges avec la Chine sont considérables et souvent indispensables. Bref, l’intérêt de l’Union n’est certainement pas de participer à une espèce de blocus ou de boycott des produits chinois- ce qui ne signifie pas d’accepter que nous soyons inondés par des biens qui ne seraient pas conformes à nos minima quels qu’ils soient.
Ceci pris en considération, quelle solution pour l’Europe, sachant que nos amis américains attendent que nous leurs « soyons fidèles », comme lors de leur guerre en Irak…
Autrement dit, une solution autre que l’adhésion à la politique américaine est-elle possible ?
Ce débat avait commencé à naître dès la fin des années 50, à propos de l’URSS. A l’époque, un certain nombre de pays, la France du Général De Gaulle en tête, avait choisi une solution intermédiaire, consistant à rester ami et allié des Etats-Unis, mais sans être l’ennemi de l’URSS.
Plusieurs s ‘étaient regroupés au sein d’une « association » appelée, les Non Alignés.
Cela pourrait être, en étant adapté à la situation d’aujourd’hui, la position de l’Union.
Evidemment, elle nécessite une vraie Union, au sein de laquelle, nulle surenchère, dans un sens ou un autre, ne saurait être tolérée, car les négociations avec nos amis américains et la Chine devront se faire en toute transparence, en tous cas de manière claire et franche.
En clair, l’intérêt de l’Union, dans un cadre d’affrontement soft des deux géants mondiaux est d’emprunter une voie singulière d’alliance et d’amitié avec les Américains, sans antagonisme envers la Chine.

Une telle voie serait également justifiée par la singularité de l’Europe, fondée sur l’Etat de droit et les valeurs et caractérisée, pour reprendre la formule de Romain Gary, par sa recherche de la Beauté depuis le Moyen Age, sans oublier ce que Luc Ferry appelle le miracle du 20ème siècle qui a vu le bouleversement de l’organisation familiale, les mariages se concluant entre deux personnes qui s’aiment et non entre deux familles qui marient leurs enfants.
Certes, certaines de ces spécificités sont partagées par nos amis américains, mais pas toutes, loin s’en-faut.
C’est cette singularité, ajoutée à la défense de nos intérêts, qui justifient de mettre rapidement en oeuvre cette Europe politique, à même de se défendre, afin de continuer notre chemin, et de veiller – alors et alors seulement — à n’avoir pas d’ennemis.

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