Christophe Dickès, Kantar : “Avec cette nouvelle loi, nos entreprises se retrouvent entre deux droits »- Le nouvel Économiste (8)
6 janvier 2022
Christophe Dickès, Kantar : “Avec cette nouvelle loi, nos entreprises se retrouvent entre deux droits »- Le nouvel Économiste (8)

6 janvier 2022

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Extraits de la série de podcast ‘Presse, Gafa, et droits voisins’, réalisée en association avec l’Institut des droits fondamentaux numériques, IDFRights.
Interview menée par Édouard Laugier

Christophe Dickès, directeur en charge de la veille média chez Kantar – Photos par Olivier Roller

Édouard Laugier : Les relations entre la presse et les industries numériques évoluent partout à travers le monde, et spécifiquement en Europe. En 2019, le Parlement européen, sur la proposition de la Commission européenne, a voté une directive aussitôt transposée dans le droit national français. Cette loi donne à la presse le droit voisin au droit d’auteur ainsi que des instruments juridiques pour un juste paiement de leurs contenus par les grandes plateformes. Cette loi peine à entrer en vigueur. Des initiatives voient le jour, telle que l’organisme de gestion collective des Droits Voisins de la Presse (DVP), présidé par Jean-Marie Cavada. À ce jour, près de deux ans après le vote de la loi, la presse n’a toujours pas reçu un euro – ou presque – au titre des droits voisins au droit d’auteur.

Dans ce nouvel épisode de notre série décrivant les rapports mouvementés entre la presse et les distributeurs numériques de contenus, nous recevons Christophe Dickès, directeur en charge des droits d’auteur sur le plan international pour Kantar, membre de la Fevem, la Fédération des entreprises de veille média, et de la Fibep (Fédération internationale des bureaux d’extraits de presse).

Vous êtes la première plateforme interrogée au titre des entreprises de veille et panoramas médias à destination des professionnels. Vous fournissez aux entreprises et institutions publiques une information adaptée à leurs besoins spécifiques en contre-partie d’une
rémunération aux éditeurs via des redevances et des licences souscrites auprès du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC). Avec vous, nous ne sommes pas dans une zone de non-droit comme les Gafa. Pour autant, la directive droit voisin au droit d’auteur n’est pas sans vous impacter, et peut-être même vous inquiéter ? Nous verrons.

Ma première question, Monsieur Christophe Dickès, vise à faire œuvre de pédagogie : pourriez-vous nous rappeler le métier des entreprises de veille média et leur place sur ce marché de la distribution des contenus de presse ?

Christophe Dickès : Tous les jours, des informations sont publiées dans les médias sur les entreprises et les institutions. Notre travail et celui d’infomédiaire, c’est-à-dire d’un intermédiaire entre celui qui produit l’information et celui qui la reçoit. Aucune entreprise ou institution ne peut suivre l’ensemble de l’information car elles vivent dans un monde d’infobésité qui s’est décuplé avec les réseaux sociaux. Les entreprises et les institutions veulent savoir quelle est leur réputation. Les Anglais appellent notre métier la “reputation
intelligence”. Notre mission est de sélectionner, de contextualiser, de trouver l’information, de l’analyser et de la restituer sous forme de simples veilles média ou bien de panoramas de presse.

Un marché des panoramas de 100 millions d’euros
E.L. : Quelques mots concernant Kantar. Il s’agit d’une multinationale spécialiste notamment des études de marchés, qui a longtemps eu comme actionnaire majoritaire le groupe britannique WPP, et qui appartient aujourd’hui au fonds de capital investissement Bain Capital. Quel est le poids et la place de Kantar dans ce paysage ?

C.D. : Kantar est une société internationale de plus de 30 000 personnes. Notre activité
générale consiste à travailler sur la donnée. La donnée consommateur avec Kantar
Worldpanel, la donnée sondage avec Kantar Insights. La veille média est un petit secteur, une niche. En France, nous évaluons ce marché à 100 millions d’euros par an. Sur le plan international, il doit atteindre 4 ou 5 milliards de dollars. Ce qui est assez peu par rapport au chiffre d’affaires de la presse française et des médias français qui dépasse les 20 milliards d’euros. Kantar est le leader du marché. Notre concurrent principal est la société Cision, propriétaire de l’Argus de la presse, l’inventeur du métier de la veille média grâce à une histoire d’amour entre un homme et une actrice de théâtre à propos de laquelle il collectait les articles de presse à la fin du XIXe siècle. La France s’est aussi distinguée dans le monde du
digital : la première société qui a utilisé de façon digitale des articles pour faire un panorama de presse fut Press Index en 1998. Kantar a racheté cette entreprise.

E.L. : Quelles sont vos performances en valeur et en volume ? Et avec quels effectifs et technologies les réalisez-vous ?

C.D. : Nous sommes une société cotée en bourse, je ne peux pas vous donner de chiffres.
Nous restons sur le plan international numéro 2, très loin derrière Cision pour ce qui est de la veille média print et Internet. Le premier acteur de la veille web est la société Meltwater.
Kantar est connu pour représenter quasiment la moitié de la valeur du marché en France, où nous employons entre 400-500 personnes. Au niveau européen, l’ensemble de la veille média chez Kantar occupe un peu plus de 1 000 personnes. Le marché français est le plus important,
devant le marché anglais. Il existe des différences : le marché anglo-saxon se porte davantage sur l’analyse et moins sur la production et l’envoi de coupures de presse.

Nous travaillons avec plus de 3 000 entreprises sur le plan international, particulièrement des grandes marques. En Europe, nous travaillons avec la Commission européenne et le Parlement européen. Toutes les grandes institutions sont nos clients, ainsi que de trèsnombreuses sociétés du CAC 40.

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